Après une réunion sur Zoom, j’étais sortie pour écrire. Les vidéoconférences me donnent toujours envie de me mettre à courir, d’aller boire un verre, d’être dehors, de parler fort, de toucher du réel, objets, plantes ou humains, voire de me rouler dessus ou dedans. Au bout de quelques minutes, je me mets à m’agiter sur mon tabouret, à devenir distraite et puis carrément nerveuse. Au bout d’un moment, je ressens une ardente envie de blaguer et je sais que cette montée de joie peut rapidement muer en agressivité. Je me mets à tapoter sur la table, à donner de petits coups de pied dans l’armoire, je n’écoute plus rien. Sans doute ça me ramène à ce récent traumatisme du confinement. Parler dans une boîte me met face à ma cage, face à nos cages, face à nos barreaux. Internet, fenêtre sur le monde, d’accord, mais je préfère être de l’autre côté si possible. Pauvres enfants, ce qu’on leur fait subir, je pense toujours dans ces moments d’intense effort pour rester assise, bien en place, digne et concentrée, tâchant de ne pas lâcher une connerie.
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Après la réunion donc, j’avais embarqué mon ordinateur et dévalé les escaliers. À la terrasse du bar de la rue, je m’étais installée devant le baffle qui diffusait un match de foot à fond, entre un groupe de vieux fumant des cigares et un groupe de Bosniaques, amis du patrons, fumant également, mais pas des cigares, eux, des pétards, plutôt. J’avais commandé un vin blanc et m’étais mise à écrire. Ça sentait le tilleul. J’avais écrit ça, comme première phrase, poétique à souhait : « Ça fleure bon le tilleul. Cette odeur me ravit autant qu’elle me fait penser à Ajax fête des fleurs, même de notre odorat ils ont réussi à s’emparer, ils ont colonisé jusqu’à notre nez, ces connards », j’avais tapé, avant d’effacer parce que je ne voyais rien d’autre à dire pour poursuivre. Ce qui devait arriver arriva. Évidemment, c’est toujours le problème de s’afficher auteur en public, au milieu d’un public populaire, en tout cas. Ça intrigue. Un des vieux, celui avec un nez rouge et troué, énorme, de la taille d’un pied d’enfant, ne cessait de parler de mon cas. Elle est bien jolie, la dame, avait-il avancé à la ronde en me pointant du doigt. Arrête, Henri, tu la mets mal à l’aise, l’avait corrigé son voisin, obèse, vêtu d’un t-shirt militaire. J’avais senti tous les regards braqués sur moi. Elle travaille bien, qu’est-ce qu’elle tape, sur sa machine, comme ça, avait observé Henri au gros pif. On se demande ce qu’elle peut bien raconter, c’est vrai, peut-être qu’elle parle de nous, s’était enquis T-shirt militaire. Ils avaient éclaté de rire. Oh, y en aurait des trucs à dire, on pourrait en faire un roman, de notre vie, avec toutes ces salopes qui nous ont emmerdés, avait ri Henri. Moi, je comprends qu’on écrive, mais je préfère regarder un bon match, avoir des petits plaisirs simples, avait chevroté celle qu’ils appelaient Loulou, une dame sans dents. Oui, Loulou, d’accord, tu profites de la vie dans les cafés, mais quand tu rentres, voilà, y a plus rien, tu es seule, la dame, au moins, elle s’occupe bien, l’avait sermonnée Henri. J’avais évité de lever les yeux. Si nos regards se croisaient, j’étais foutue, je le savais. En tout cas, moi aussi j’ai un ordinateur, mais je ne sais pas m’en servir, avait avoué Henri en me lorgnant. Des fois, je regarde des films sur Youtube, avec Alain Delon, ou Jean Gabin, par exemple, avait embrayé Loulou, un peu bourrée. Ah oui, Jean Gabin, il était bien, mais c’est mieux de regarder des DVD, avait coupé Henri. Des DVD, j’en ai encore plein chez moi, je pourrais vous en prêter, avait proposé T-shirt militaire. Un nouveau sujet était lancé, je savais que j’aurais la paix à présent. Le problème était que je n’avais plus du tout envie d’écrire.
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J’avais allumé une clope et réfléchi en regardant les tilleuls en face. T-shirt militaire s’était rapproché de moi. Vous écrivez un livre, n’est-ce pas ? il avait demandé doucement. J’avais acquiescé. Je le voyais bien, que vous cherchiez vos mots, je voyais bien que vous travailliez sur quelque chose de profond et de compliqué, j’ai l’œil, il avait dit, gentiment. J’avais esquissé un pauvre sourire contraint. Je peux vous offrir un verre ? il avait demandé. J’avais serré les dents, agacée, puis m’étais reprise. Si je ne voulais pas être enfermée derrière mes barreaux, derrière ma fenêtre, fallait bien me les farcir, c’était ça aussi la vraie vie. J’avais fermé mon ordinateur, pris une profonde inspiration et m’étais tournée vers eux. Nous, on est des anciens légionnaires, on a fait les quatre-cents coups, avait commencé T-shirt militaire. Et on adore les femmes, avait poursuivi Henri en sortant la langue.
Découvrir la Wallonie
Aurélie William Levaux
2021C005
Aus dem Französischen von Marie Heck
Nach einem Zoom-Meeting war ich rausgegangen, um zu schreiben. Videokonferenzen wecken in mir immer die Lust zu rennen, was trinken zu gehen, draußen zu sein, laut zu reden, etwas Reales anzufassen, Objekte, Pflanzen, Menschen, ja, mich auf ihnen oder in ihnen zu wälzen. Schon nach wenigen Minuten fange ich an, auf meinem Hocker hin und her zu rutschen, unruhig zu werden und dann geradezu nervös. Nach einer Weile verspüre ich den Drang, Witze zu machen, aber ich weiß, dass dieser Anflug von Heiterkeit schnell in Aggressivität umschlagen kann. Dann trommle ich auf dem Tisch, trete gegen den Schrank, höre auf nichts mehr. Ohne Zweifel erinnert mich das an das Trauma des letzten Lockdowns. Dieses in-eine-Kiste-sprechen macht mir meinen Käfig bewusst, unsere Käfige, unsere Gitterstäbe. Internet, das Fenster zur Welt, schön und gut, aber ich möchte, wenn möglich, auf der anderen Seite sein. Die armen Kinder, was wir ihnen antun, denke ich in diesen Momenten immer, wenn ich mich intensiv anstrenge, auf meinem Stuhl sitzen zu bleiben, würdevoll und konzentriert, bemüht, keinen Blödsinn von mir zu geben.
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Nach dem Meeting habe ich mir also meinen Computer geschnappt und bin die Treppen heruntergesaust. Auf der Terrasse der Bar in unserer Straße habe ich mich vor den Lautsprecher gesetzt, der mit voller Lautstärke ein Fußballspiel übertrug, zwischen eine Gruppe Zigarre rauchender alter Männer und eine Gruppe Bosnier, Freunde des Besitzers, die auch rauchten, aber keine Zigarren, sondern Joints. Ich bestellte einen Weißwein und begann zu schreiben. Es roch nach Linde. Das schrieb ich auf, mein herrlich poetischer erster Satz: „Es duftet nach Linde. Der Geruch erfreut mich ebenso sehr, wie er mich an Ajax Blumenzauber erinnert. Sie haben sogar die Macht über unseren Geruchsinn, diese Arschlöcher, sie haben uns kolonisiert bis in unsere Nase“, tippte ich und löschte es dann wieder, weil mir nicht einfiel, wie ich fortfahren könnte. Es kam, was kommen musste. Das ist natürlich immer das Problem, wenn man sich in der Öffentlichkeit als Autorin zu erkennen gibt, inmitten eines normalen Publikums jedenfalls. Das weckt Neugier. Einer der alten Männer, der mit der großporigen roten Nase von der Größe eines Kinderfußes, hörte nicht auf, über mich zu reden. Die Dame ist sehr hübsch, warf er in die Runde und zeigte auf mich. Hör auf, Henri, du bringst sie in Verlegenheit, wies ihn sein übergewichtiger Nachbar im Camouflage-T-Shirt zurecht. Ich spürte, wie sich alle Blicke auf mich richteten. Sie arbeitet fleißig, was tippt sie denn da so, auf ihrem Ding, stellte Henri mit der großen Nase fest. Ich frage mich, was sie wohl erzählt, vielleicht schreibt sie über uns, mutmaßte das Camouflage-T-Shirt. Sie brachen in Gelächter aus. Ach, wir hätten genug zu erzählen, darüber könnte man einen Roman schreiben, über unser Leben, mit all den Schlampen, die uns genervt haben, lachte Henri. Ich kann verstehen, dass Leute schreiben, aber ich gucke mir lieber ein gutes Spiel an, die kleinen Freuden halt, keifte eine Dame ohne Zähne, die sie Loulou nannten. Ja, Loulou, du genießt das Leben in den Cafés, aber wenn du nach Hause kommst, dann ist da nichts, du bist allein. Die Dame da, die beschäftigt sich wenigstens, predigte Henri. Ich vermied es, aufzusehen. Wenn unsere Blicke sich kreuzen, bin ich erledigt, das wusste ich. Jedenfalls habe ich auch einen Computer, aber ich kann ihn nicht bedienen, gab Henri zu und schielte zu mir rüber. Manchmal gucke ich auf Youtube Filme mit Alain Delon oder Jean Gabin, zum Beispiel, sagte Loulou etwas lallend. Ah ja, Jean Gabin, der war gut, aber besser ist es, DVDs zu gucken, unterbrach Henri sie. DVDs habe ich viele zu Hause, ich könnte dir welche ausleihen, schlug das Camouflage-T-Shirt vor. Sie hatten ein neues Thema angebrochen und ich wusste, dass ich erstmal meine Ruhe hatte. Das Problem war nur, dass ich überhaupt keine Lust mehr hatte, zu schreiben.
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Ich hatte mir eine Zigarette angezündet und dachte nach, während ich die Linden gegenüber betrachtete. Camouflage-T-Shirt näherte sich mir. Sie schreiben ein Buch, stimmt‘s?, fragte er sanft. Ich nickte. Ich hab doch gesehen, dass Sie nach Worten suchen, dass Sie an etwas Tiefgründigem und Komplizierten arbeiten, da habe ich ein Auge für, sagte er freundlich. Ich deutete ein armseliges, gezwungenes Lächeln an. Darf ich Sie einladen?, fragte er. Ich biss mir verärgert auf die Zunge, dann fing ich mich. Wenn ich nicht hinter meinen Gittern, meinem Fenster eingesperrt sein wollte, musste ich das wohl ertragen, das war schließlich auch das echte Leben. Ich klappte meinen Computer zu, atmete tief durch und drehte mich zu ihnen um. Wir sind ehemalige Legionäre, wir haben vierhundert Treffer gemacht, fing das Camouflage-T-Shirt an. Und wir lieben die Frauen, fuhr Henri fort und streckte dabei seine Zunge raus.
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