On mangeait un yaourt peinard quand la petite, recevant un texto, avait eu à me parler très sérieusement. Bon, maman, prépare-toi, nous partons avec mon amie Alice, mais à présent, tu ne dois plus l’appeler Alice mais Allen. Ah bon, ça y est, elle n’est plus une fille, donc ? j’avais demandé. Non, elle n’a plus de genre. D’accord, mais Allen, c’est un prénom de garçon, on est d’accord ? j’avais soulevé. Oui, ben, j’en sais rien, elle ne veut plus qu’on l’appelle comme ça, c’est tout. D’accord, mais pour une non-genrée, elle se maquille vraiment pas mal et puis elle continue de porter des jupes et de sacrés décolletés. Enfin, je veux dire, jusqu’à la semaine dernière, elle était sacrément fifille, même. Plus fille que fille, non ? j’avais insisté. Maman, c’est pas de ma faute, c’est son choix, faut le respecter, m’avait engueulée la petite. Bon, si tu veux, et donc, je ne pourrai plus crier « les filles, dépêchez-vous de vous brosser les dents », je dois dire comment ? avais-je demandé. Ben, « les gars », elle avait exprimé, prise au dépourvu. C’est donc le masculin qui l’emporte, j’avais remarqué.
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Et tu sais ce qui motive son choix, en dehors de la mode ou de Netflix, je veux dire ? j’avais demandé. Elle est bisexuelle en fait, avait répondu la petite, absolument pas mal à l’aise alors qu’elle pique un fard si on évoque le nom d’un gars de son âge. J’avais failli cracher mon yaourt. Chérie, bisexuelle à treize ans et demi, et sans être jamais sorti avec quiconque, ça existe, ça? Je ne sais pas, c’est elle, enfin, c’est iel qui le dit, elle s’était corrigée. Bien, écoute, moi à votre âge, j’ai embrassé une fille ou deux, des copines, pour tester et l’une d’elle jouait à me violer, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, elles ont souvent eu envie de me violer, mes amies, ce qui ne voulait pas dire que j’étais bisexuelle, ça ne voulait rien dire, en réalité. Bah, mais c’est dégueu, avait réagi la petite, choquée. Oui, enfin, figure-toi que dans bisexuel il y a sexuel, j’avais rappelé. Elle avait grimacé. Enfin, si ça s’était passé à cette époque sans doute aurais-je voulu direct après m’appeler Aurèle, c’est possible, mais ce que je veux dire, c’est que rien ne presse, pas besoin de s’étiqueter fille, garçon, trans, homo, hétéro, binaire ou bi tout court si jeune, en fait, on s’en fout, tu vois et vous avez la vie pour faire des expériences et vous définir ou pas, tu comprends ? Oui, elle comprenait. Et ses parents l’appellent Allen ? je l’avais interrogée. Non, elle n’avait pas osé leur dire apparemment. Ok, et moi je devrais quand même l’appeler Allen, c’est ça ? C’était exactement ça, oui. Bien, faudra que je lui explique que je ne suis pas un testeur de nouvelle identité, j’avais annoncé avant de réfléchir un peu. Imagine que je lui demande de m’appeler monsieur, là, sec. Ou carrément papa, j’avais ri. La petite n’avait pas ri. Mais maman, ça n’a rien à voir et en plus ça ne me dérangerait pas de t’appeler papa, elle avait jeté avec une mauvaise foi crasse. Oui, bien sûr, j’avais lâché. Même si j’avais un beau zizi tout neuf, je resterais ta maman, tu sais, j’avais souri en lui mettant une petite claque sur le crâne. Elle avait à nouveau grimacé. Bon, on verra bien, j’avais décidé. On avait fini le yaourt. Pourquoi elle n’a pas plutôt choisi Alfonse comme prénom ? C’est joli, Alfonse, non ? Cette fois, elle avait éclaté de rire avant de se ressaisir immédiatement : l’humour à ce sujet était absolument interdit, il ne fallait jamais l’oublier.
Aurélie William Levaux
2021C008
Aus dem Französischen von Marie Heck
Wir aßen gerade gemütlich einen Joghurt, als die Kleine eine Nachricht bekam und sehr ernst mit mir reden musste. Gut, Mama, halt dich fest, wir fahren mit meiner Freundin Alice weg, aber ab jetzt darfst du sie nicht mehr Alice nennen, sondern Allen. Aha, sie ist also kein Mädchen mehr?, fragte ich. Nein, sie ist gender-neutral. Okay, aber Allen ist ein Jungenname, da sind wir uns doch einig?, fragte ich. Ja, keine Ahnung, sie will einfach nicht mehr, dass man sie so nennt, das ist alles. Okay, aber für eine gender-neutrale Person schminkt sie sich wirklich nicht wenig und sie trägt immer noch Röcke und tiefe Dekolletés. Naja, ich will damit sagen, bis letzte Woche war sie sogar sehr mädchenhaft. Durch und durch mädchenhaft, oder?, bohrte ich weiter. Mama, ich kann nichts dafür, das ist ihre Wahl, das muss man respektieren, meckerte sie mich an. Okay, gut, wie du meinst – dann kann ich also nicht mehr rufen „Los Mädels, beeilt euch mit dem Zähneputzen.“, was soll ich dann sagen?, fragte ich. Na, „Jungs“, antwortete sie überrumpelt. Also gewinnt das Männliche, merkte ich an.
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Und weißt du, warum sie sich so entschieden hat? Ich meine, abgesehen vom Trend oder von Netflix?, fragte ich. Eigentlich ist sie bisexuell, antwortete sie, kein bisschen verlegen, obwohl sie jedes Mal knallrot wurde, wenn man auch nur den Namen eines Jungen in ihrem Alter aussprach. Ich hätte mich fast an meinem Joghurt verschluckt. Schatz, bisexuell mit dreizehneinhalb und ohne jemals mit irgendwem zusammen gewesen zu sein, wie geht das denn? Ich weiß nicht, sie, also sier sagt das, korrigierte sie sich. Okay, hör mal zu, als ich in eurem Alter war, habe ich ein oder zwei Mädchen geküsst, Freundinnen, um es mal auszuprobieren. Eine von ihnen hat gespielt, dass sie mich vergewaltigt, ich weiß eigentlich nicht warum, sie haben oft Lust gehabt, mich zu vergewaltigen, meine Freundinnen, was nicht bedeutet, dass ich bisexuell bin, in Wahrheit hat es überhaupt nichts bedeutet. Igitt, das ist ja ekelhaft, reagierte die Kleine schockiert. Ja, naja, vergiss nicht, dass in bisexuell das Wort sexuell drinsteckt, erklärte ich. Sie verzog das Gesicht. Jedenfalls, wenn das damals so gewesen wäre, hätte ich mich bestimmt sofort Aurelius nennen wollen, das kann sein. Aber was ich sagen will, ist, dass nichts drängt, man muss sich nicht schon so jung für eine Bezeichnung wie Mädchen, Junge, Trans, Homo, Binär oder Bi entscheiden. Das ist doch ganz egal, ihr habt das ganze Leben vor euch, um Erfahrungen zu machen und euch zu definieren oder eben auch nicht. Verstehst du? Ja, sie verstand. Und ihre Eltern nennen sie Allen?, wollte ich wissen. Nein, sie hatte sich anscheinend nicht getraut, es ihnen zu sagen. Okay, und ich soll sie trotzdem Allen nennen, ja? Ja, genau so war es. Gut, dann sollte ich ihr erklären, dass ich keine Teststelle für neue Identitäten bin, verkündete ich und dachte kurz nach. Stell dir vor, ich würde sie bitten, mich Herr zu nennen, zack. Oder noch besser: Papa, lachte ich. Die Kleine lachte nicht. Mama, das hat doch damit überhaupt nichts zu tun, und außerdem würde es mich nicht stören, dich Papa zu nennen, warf sie mir boshaft zu. Ja klar, selbst wenn ich einen schönen neuen Pimmel hätte, bleibe ich deine Mama, weißt du. Ich lächelte und gab ihr einen kleinen Klaps auf den Hinterkopf. Sie verzog erneut das Gesicht. Gut, wir werden sehen, sagte ich schließlich. Wir aßen unseren Joghurt auf. Warum hat sie sich nicht Alfonso als Vornamen ausgesucht? Alfonso ist doch hübsch, oder? Dieses Mal brach sie in Lachen aus, riss sich aber sofort zusammen: Humor war bei diesem Thema absolut verboten, das durfte man nie vergessen.