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Aurélie William Levaux 
2021C008

On mangeait un yaourt peinard quand la petite, recevant un texto, avait eu à me parler très sérieusement. Bon, maman, prépare-toi, nous partons avec mon amie Alice, mais à présent, tu ne dois plus l’appeler Alice mais Allen. Ah bon, ça y est, elle n’est plus une fille, donc ? j’avais demandé. Non, elle n’a plus de genre. D’accord, mais Allen, c’est un prénom de garçon, on est d’accord ? j’avais soulevé. Oui, ben, j’en sais rien, elle ne veut plus qu’on l’appelle comme ça, c’est tout. D’accord, mais pour une non-genrée, elle se maquille vraiment pas mal et puis elle continue de porter des jupes et de sacrés décolletés. Enfin, je veux dire, jusqu’à la semaine dernière, elle était sacrément fifille, même. Plus fille que fille, non ? j’avais insisté. Maman, c’est pas de ma faute, c’est son choix, faut le respecter, m’avait engueulée la petite. Bon, si tu veux, et donc, je ne pourrai plus crier « les filles, dépêchez-vous de vous brosser les dents », je dois dire comment ? avais-je demandé. Ben, « les gars », elle avait exprimé, prise au dépourvu. C’est donc le masculin qui l’emporte, j’avais remarqué.

***

Et tu sais ce qui motive son choix, en dehors de la mode ou de Netflix, je veux dire ? j’avais demandé. Elle est bisexuelle en fait, avait répondu la petite, absolument pas mal à l’aise alors qu’elle pique un fard si on évoque le nom d’un gars de son âge. J’avais failli cracher mon yaourt. Chérie, bisexuelle à treize ans et demi, et sans être jamais sorti avec quiconque, ça existe, ça? Je ne sais pas, c’est elle, enfin, c’est iel qui le dit, elle s’était corrigée. Bien, écoute, moi à votre âge, j’ai embrassé une fille ou deux, des copines, pour tester et l’une d’elle jouait à me violer, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, elles ont souvent eu envie de me violer, mes amies, ce qui ne voulait pas dire que j’étais bisexuelle, ça ne voulait rien dire, en réalité. Bah, mais c’est dégueu, avait réagi la petite, choquée. Oui, enfin, figure-toi que dans bisexuel il y a sexuel, j’avais rappelé. Elle avait grimacé. Enfin, si ça s’était passé à cette époque sans doute aurais-je voulu direct après m’appeler Aurèle, c’est possible, mais ce que je veux dire, c’est que rien ne presse, pas besoin de s’étiqueter fille, garçon, trans, homo, hétéro, binaire ou bi tout court si jeune, en fait, on s’en fout, tu vois et vous avez la vie pour faire des expériences et vous définir ou pas, tu comprends ? Oui, elle comprenait. Et ses parents l’appellent Allen ? je l’avais interrogée. Non, elle n’avait pas osé leur dire apparemment. Ok, et moi je devrais quand même l’appeler Allen, c’est ça ? C’était exactement ça, oui. Bien, faudra que je lui explique que je ne suis pas un testeur de nouvelle identité, j’avais annoncé avant de réfléchir un peu. Imagine que je lui demande de m’appeler monsieur, là, sec. Ou carrément papa, j’avais ri. La petite n’avait pas ri. Mais maman, ça n’a rien à voir et en plus ça ne me dérangerait pas de t’appeler papa, elle avait jeté avec une mauvaise foi crasse. Oui, bien sûr, j’avais lâché. Même si j’avais un beau zizi tout neuf, je resterais ta maman, tu sais, j’avais souri en lui mettant une petite claque sur le crâne. Elle avait à nouveau grimacé. Bon, on verra bien, j’avais décidé. On avait fini le yaourt. Pourquoi elle n’a pas plutôt choisi Alfonse comme prénom ? C’est joli, Alfonse, non ? Cette fois, elle avait éclaté de rire avant de se ressaisir immédiatement : l’humour à ce sujet était absolument interdit, il ne fallait jamais l’oublier.

 





 

On mangeait un yaourt peinard quand la petite, recevant un texto, avait eu à me parler très sérieusement. Bon, maman, prépare-toi, nous partons avec mon amie Alice, mais à présent, tu ne dois plus l’appeler Alice mais Allen. Ah bon, ça y est, elle n’est plus une fille, donc ? j’avais demandé. Non, elle n’a plus de genre. D’accord, mais Allen, c’est un prénom de garçon, on est d’accord ? j’avais soulevé. Oui, ben, j’en sais rien, elle ne veut plus qu’on l’appelle comme ça, c’est tout. D’accord, mais pour une non-genrée, elle se maquille vraiment pas mal et puis elle continue de porter des jupes et de sacrés décolletés. Enfin, je veux dire, jusqu’à la semaine dernière, elle était sacrément fifille, même. Plus fille que fille, non ? j’avais insisté. Maman, c’est pas de ma faute, c’est son choix, faut le respecter, m’avait engueulée la petite. Bon, si tu veux, et donc, je ne pourrai plus crier « les filles, dépêchez-vous de vous brosser les dents », je dois dire comment ? avais-je demandé. Ben, « les gars », elle avait exprimé, prise au dépourvu. C’est donc le masculin qui l’emporte, j’avais remarqué.

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Et tu sais ce qui motive son choix, en dehors de la mode ou de Netflix, je veux dire ? j’avais demandé. Elle est bisexuelle en fait, avait répondu la petite, absolument pas mal à l’aise alors qu’elle pique un fard si on évoque le nom d’un gars de son âge. J’avais failli cracher mon yaourt. Chérie, bisexuelle à treize ans et demi, et sans être jamais sorti avec quiconque, ça existe, ça? Je ne sais pas, c’est elle, enfin, c’est iel qui le dit, elle s’était corrigée. Bien, écoute, moi à votre âge, j’ai embrassé une fille ou deux, des copines, pour tester et l’une d’elle jouait à me violer, je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, elles ont souvent eu envie de me violer, mes amies, ce qui ne voulait pas dire que j’étais bisexuelle, ça ne voulait rien dire, en réalité. Bah, mais c’est dégueu, avait réagi la petite, choquée. Oui, enfin, figure-toi que dans bisexuel il y a sexuel, j’avais rappelé. Elle avait grimacé. Enfin, si ça s’était passé à cette époque sans doute aurais-je voulu direct après m’appeler Aurèle, c’est possible, mais ce que je veux dire, c’est que rien ne presse, pas besoin de s’étiqueter fille, garçon, trans, homo, hétéro, binaire ou bi tout court si jeune, en fait, on s’en fout, tu vois et vous avez la vie pour faire des expériences et vous définir ou pas, tu comprends ? Oui, elle comprenait. Et ses parents l’appellent Allen ? je l’avais interrogée. Non, elle n’avait pas osé leur dire apparemment. Ok, et moi je devrais quand même l’appeler Allen, c’est ça ? C’était exactement ça, oui. Bien, faudra que je lui explique que je ne suis pas un testeur de nouvelle identité, j’avais annoncé avant de réfléchir un peu. Imagine que je lui demande de m’appeler monsieur, là, sec. Ou carrément papa, j’avais ri. La petite n’avait pas ri. Mais maman, ça n’a rien à voir et en plus ça ne me dérangerait pas de t’appeler papa, elle avait jeté avec une mauvaise foi crasse. Oui, bien sûr, j’avais lâché. Même si j’avais un beau zizi tout neuf, je resterais ta maman, tu sais, j’avais souri en lui mettant une petite claque sur le crâne. Elle avait à nouveau grimacé. Bon, on verra bien, j’avais décidé. On avait fini le yaourt. Pourquoi elle n’a pas plutôt choisi Alfonse comme prénom ? C’est joli, Alfonse, non ? Cette fois, elle avait éclaté de rire avant de se ressaisir immédiatement : l’humour à ce sujet était absolument interdit, il ne fallait jamais l’oublier.