Lise Villemer
2021D019
Tout dégobiller m’a fait du bien. Je me suis douchée, j’ai enfilé une robe bleue avec des motifs floraux discrets et je suis sortie de ma chambre. J’ai pris l’ascenseur pour descendre dans l’ancienne salle de bal qui accueille le congrès. J’ai ressenti un soulagement de ne pas croiser de personnel de l’hôtel. La jeune femme qui m’a accompagnée dans ma chambre n’était plus là lorsque je suis sortie de la salle de bains. Tant mieux. Je n’aime pas trop ce genre de complicité forcée, car je ressens, malgré moi, une forme de dette envers elle. J’ai honte. Le pire, je le sais, c’est ce qui l’attend lorsqu’elle retournera dans ma chambre d’hôtel. J’ai essayé de nettoyer comme j’ai pu, mais je n’ai pas pu neutraliser l’odeur et il reste sans doute des particules souillées dans l’air, des éclaboussures sur la cuvette des toilettes çà et là, des traces au fond du lavabo. Je déteste me faire servir. Je me sens dans un hôtel comme chez moi et donc, logiquement, cela me dérange qu’on me traite comme une invitée, une personne de passage, une étrangère. J’ai pourtant précisé lors de ma réservation que je ne souhaitais pas de room service. J’ai appelé exprès, pour être sûre que j’aurais une chambre claire et spacieuse avec vue sur la mer. Et j’ai dû expliquer que je ne voulais pas être dérangée, que je voulais me sentir chez moi, que je ne souhaitais pas de formule nomade, pas de plateau courtoisie, non merci, et un nettoyage de chambres minimum, tous les trois jours seulement, j’ai même ajouté que je ne pensais pas que ce serait nécessaire plus d’une fois par semaine. Le ton évasif de la jeune femme qui avait pris ma réservation m’avait fait comprendre qu’elle ne notait que la moitié de mes desiderata. J’espère qu’au moins ce sera une autre qui viendra nettoyer ma chambre. J’aurais dû astiquer la salle de bains, mais je n’avais pas le temps. Je me fiche de ce que cette jeune femme pourrait penser, elle ne sera pas au congrès, c’est le principal. Je ne lui ai même pas demandé son nom. Je n’ai pas bien regardé son visage. Elle reste une inconnue pour moi, mais je vais sûrement la recroiser les jours à venir et c’est évident, je la reconnaîtrai. J’avance dans le couloir, la lumière des néons vient compenser l’obscurité matinale de ce mois d’octobre, la tête me tourne un peu. J’aperçois quelques personnes devant la salle. J’ai oublié mon badge sur le lit. Soucieuse de devancer toute confusion, je les salue en me présentant brièvement.
J’accueille les participants un à un. Ils sont vingt-deux. Pour cette première journée, j’ai prévu une introduction rapide, un tour de table leur permettant de se présenter, puis une longue promenade au bord de la mer.