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Réseau des Autrices

Résidences expérimentales

Réseau des Autrices

experimentelle Residenzen

Laure Zehnacker 
2022A030

 

La chambre 403

 

Dans ce nouveau compartiment, j’observe les boiseries repeintes en blanches. Je me souviens d’une amie qui me disait que j’avais parfois un comportement psychopathique. Et j’avais été étonnée qu’elle le remarque. J’ai l’art de mentir, de voler dans les magasins, de frauder dans le métro et de ne jamais me faire prendre. Je me souviens de chaque détail avec une mémoire photographique et parfois, il me manque la culpabilité que certains ressentent. J’ai la chance d’avoir une génétique qui me confère des traits européens. J’ai un visage d’ange et le sourire aimable. Je joue constamment à être humaine. C’est pour ça que j’observe les gens, pour les imiter et me créer une personnalité qui me fait défaut.

Je suis du genre caméléon. Je n’ai pas de personnalité fixe, ce qui m’a conduite à être instable et à ne jamais avoir d’ami sur le long terme. Je peux être victime, dominante, froide, extrêmement vulgaire et quand cela me chante, l’inverse, la jeune fille prude et si douce qu’on ne peut que me briser. Je suis si malléable de caractère quand beaucoup sont si définis dans leurs idées. Je m’imprègne des gestes et même des routines de mes contemporains quand j’entre en collision avec eux. Il m’arrive de prendre avec une facilité déconcertante les accents régionaux, les tics de langage de mes interlocuteurs, et même leurs petites manies. Plus étonnant encore, j’ai une peau qui peut passer par de nombreux spectres de couleur, du blanc neigeux en hiver au brun bien tapé en été. Mes cheveux sont également changeants, du blond au brun très foncé en virant sur le roux en fonction des saisons. Pour mes yeux, selon qu’il fasse soleil ou que la nuit tombe, j’ai un regard tirant sur le vert et finissant sur le noir. C’est comme si j’avais été prédestinée à être fluide comme les eaux, et à ne jamais pouvoir être complètement fixe.

Pour percer un trou dans le mur, il faut repérer un endroit discret, de préférence dans un recoin, là où la perceuse ne fera pas tomber de cadre ou se perdrait derrière un mur de l’autre côté de la cloison. Ma chambre doit ressembler à la 404, à quelque chose près. Au moment d’allumer la machine, bruyante, il est important de mettre une musique encore plus forte encore pour couvrir les sons de la vibration. J’aurais un temps de trois minutes, c’est en général ce dont ont besoin les gens pour trouver le courage de défendre leur silence.

J’ouvre ma valise, et oui, j’ai toujours une perceuse sur moi. Je ne compte plus le nombre de trous faits dans des murs pour observer les voisins dans ce qu’ils ont de plus intime. Ce n’est pas du vice. Enfin, je suppose que ce n’est pas du vice. Je m’organise mon petit théâtre personnel pour alimenter mon panel de personnalités.

Rammstein devrait suffire. Je monte le son à son paroxysme. Je presse le bouton de la perceuse et j’entre dans la chambre 404 par un œil. 


Laure Zehnacker 
2022A030

 

La chambre 403

 

Dans ce nouveau compartiment, j’observe les boiseries repeintes en blanches. Je me souviens d’une amie qui me disait que j’avais parfois un comportement psychopathique. Et j’avais été étonnée qu’elle le remarque. J’ai l’art de mentir, de voler dans les magasins, de frauder dans le métro et de ne jamais me faire prendre. Je me souviens de chaque détail avec une mémoire photographique et parfois, il me manque la culpabilité que certains ressentent. J’ai la chance d’avoir une génétique qui me confère des traits européens. J’ai un visage d’ange et le sourire aimable. Je joue constamment à être humaine. C’est pour ça que j’observe les gens, pour les imiter et me créer une personnalité qui me fait défaut.

Je suis du genre caméléon. Je n’ai pas de personnalité fixe, ce qui m’a conduite à être instable et à ne jamais avoir d’ami sur le long terme. Je peux être victime, dominante, froide, extrêmement vulgaire et quand cela me chante, l’inverse, la jeune fille prude et si douce qu’on ne peut que me briser. Je suis si malléable de caractère quand beaucoup sont si définis dans leurs idées. Je m’imprègne des gestes et même des routines de mes contemporains quand j’entre en collision avec eux. Il m’arrive de prendre avec une facilité déconcertante les accents régionaux, les tics de langage de mes interlocuteurs, et même leurs petites manies. Plus étonnant encore, j’ai une peau qui peut passer par de nombreux spectres de couleur, du blanc neigeux en hiver au brun bien tapé en été. Mes cheveux sont également changeants, du blond au brun très foncé en virant sur le roux en fonction des saisons. Pour mes yeux, selon qu’il fasse soleil ou que la nuit tombe, j’ai un regard tirant sur le vert et finissant sur le noir. C’est comme si j’avais été prédestinée à être fluide comme les eaux, et à ne jamais pouvoir être complètement fixe.

Pour percer un trou dans le mur, il faut repérer un endroit discret, de préférence dans un recoin, là où la perceuse ne fera pas tomber de cadre ou se perdrait derrière un mur de l’autre côté de la cloison. Ma chambre doit ressembler à la 404, à quelque chose près. Au moment d’allumer la machine, bruyante, il est important de mettre une musique encore plus forte encore pour couvrir les sons de la vibration. J’aurais un temps de trois minutes, c’est en général ce dont ont besoin les gens pour trouver le courage de défendre leur silence.

J’ouvre ma valise, et oui, j’ai toujours une perceuse sur moi. Je ne compte plus le nombre de trous faits dans des murs pour observer les voisins dans ce qu’ils ont de plus intime. Ce n’est pas du vice. Enfin, je suppose que ce n’est pas du vice. Je m’organise mon petit théâtre personnel pour alimenter mon panel de personnalités.

Rammstein devrait suffire. Je monte le son à son paroxysme. Je presse le bouton de la perceuse et j’entre dans la chambre 404 par un œil.