Le calepin de la Québécoise
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Je demeurais dans ma cellule, comme une bonne passagère, observant le liquide se foutre contre le hublot.
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Puis nous sommes passées par une autre salle, celle-là ornée de grands miroirs sur tous les murs et avec des lustres au plafond.
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Mon lit vogue encore tandis que je m’endors la face contre le matelas.
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Je suis fascinée, un instant, par cet œil qui se dessine, en son centre. Il flotte au milieu du bassin et les vagues donnent l’impression qu’il bouge.
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C’est étrange qu’un territoire change si drastiquement de température au long d’une si courte promenade. Je sens que ce lieu a des secrets ou des enchantements et pourtant je n’ai pas peur.
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Je me regarde noircir les pages dans la grande glace qui se trouve au-dessus de la commode. J’observe mes gestes. Les poignées donnent l’impression d’être d’autres yeux qui m’observent. Je jure que l’une d’elles me fera un clin d’œil d’ici la fin de ces deux semaines.
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Je marche dans cet espace pieds nus et j’ai peur de me faire mordre par des rats ou des araignées. Je suis dans la poussière et je monte un escalier cylindrique qui me mène à ce qui semble être une aile abandonnée de l’hôtel.
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Je rêve que je touche cette tuile sacrilège dans la salle de bain.
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Il faut toujours une femme qui tombe du toit ou qui saute d’une fenêtre pour faire un bon livre. C’est sa chute qui est importante, l’image de la chute.
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Je veux ouvrir la porte et sortir d’ici.
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Il faut retourner aux origines du lieu pour comprendre ce qui en a poussé la ré-habitation. Où suis-je? Qui a habité cette chambre puis cet hôtel puis ce château ancien avant moi? Il s’agit de créer une histoire de femmes.
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Il faut monter une marche pour se rendre dans la douche. J’ai toujours la trouille de me laver seule dans une nouvelle salle de bain. Trop de scènes répétées de femmes tuées dans la céramique.
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Je ressens presque les élans de mon cœur qui me poussent vers les tomates, qui sentent la tomate jusque dans leurs tiges.
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Les femmes sont digérées par l’hôtel. Entrent, ressortent. Se libèrent de l’emmurement. Arrivent toutes par l’eau. On les met dans des bateaux et elles changent de place. Elles partent parce que leurs vies sont viciées, se reforment dans une communauté horizontale.
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Des rangées de livres en plusieurs langues, la plupart, amenés par les résidentes à leurs arrivées. Une majorité d’autrices!
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Qui est donc Madame Dou? Comment est-elle arrivée ici ? Est-elle une sorte d’ancienne béguine ou une sorcière qui n’est jamais décédée ?
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Je reviens vers la chambre 45 en ayant l’impression de voler par-dessus les dalles. Je m’assois à la table et dessine cette map étrange.
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Je regarde le dernier dessin que j’ai fait et je le comprends d’un coup. Toutes ces formes prennent des allures de tunnels.
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J’accélère devant le dortoir pour ne pas que Tamisha pense que je la cherche et que ça me donne un air d’amour désespéré, et je traverse dans l’aile C, où vit Roaa dans la chambre 32.
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Mes yeux tracent cette ligne noire qui dessine l’œil du fond. Je repasse par-dessus cette masse qui forme la pupille.
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Au dîner tout à l’heure, j’ai eu une discussion vraiment intéressante avec Felcie. Elle a parlé d’un trou noir près de l’océan Nord. Ce serait sa force gravitationnelle très forte qui influencerait le climat.
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Je reconnais les lieux. Madame Dou m’a dit que seules elle et Sébastienne étaient au courant de cette bête dans la cave.