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À l’extérieur, je regarde les arbres et je les trouve beaux. Je vais en prendre un dans mes bras. Je le sens tandis que je frotte mon visage dans ses lichens. Puis j’entre dans la forêt. J’ouvre grands mes yeux et mes oreilles. Je suis disponible à tout. J’entends différents oiseaux, j’entends le vent et le bruissement qu’il produit dans les feuilles. C’est une forêt mixte qui contient plusieurs feuillus aux écorces sinueuses. Je trace toutes les routes de leurs peaux. Je marche longtemps sans penser au retour. Les odeurs deviennent résineuses et j’entre dans une étendue de conifères. Mes cheveux se prennent dans toutes les branches cassantes et me forment une sorte de panache que je traîne. Je trouve cette étendue de mousses et je m’y étends. Tout est spongieux, mou, mais organique. Je sens que je m’enfonce dans la terre.

Je passe devant ce qui ressemble à un vieux caveau. La porte est fermée à clé. Je marche dans ce sentier qui a creusé le sol de manière superficielle. Je débouche sur cette mer Est, dont j’ai entendu parler sans encore l’avoir vue. La plage possède un sable rouge et le bord de l’eau se sculpte en rocher de la même couleur. Je me déshabille. L’eau est plus fraîche que dans l’océan Ouest. Je me lance et fais quelques brasses. Je savoure le sel de la mer. Je remarque alors toutes ces méduses qui flottent à la surface. Elles apparaissent en même temps que je nage. Leurs corps mous et flasques trempent dans toute l’eau qui m’entoure. Ce que ce peut être beau comme animal. C’est la deuxième fois de ma vie que j’en vois. La première était à Tofino sur l’île de Vancouver. Mais là-bas, elles étaient prisonnières sur le sable sec à marée basse. C’est la première fois que je nage avec des méduses. Je danse avec elles. Il doit y en avoir une centaine. Je tends les mains pour les flatter et la première me pique. C’est une décharge très forte qui me fait hurler. Alors je nage vers la plage. Il y a plusieurs piqûres encore et je les sens si fortes que je crois pleurer puis jouir d’une douleur profonde. Je rejoins enfin la plage où je me tire sur le sable. Il y en a une dans mes cheveux que j’enlève en la lançant loin dans l’eau. Je m’excuse. J’ai brisé leur nid. Elles se sont vengées. Fair enough. Ouf ! Je reprends mon souffle sur la plage. Est-ce que c’est vrai l’affaire de l’urine ? Je ressens comme des chocs électriques dans mon cœur. Je palpite sur la plage. Je regarde mes bras et mon ventre, ma peau qui possède comme de nombreuses traces ou des chemins ancrés. Je trouve ça très beau. Ma peau hurle, mais je suis envoûtée. C’est une douleur douce amère. Il commence à faire sombre je devrais rentrer, je connais les forêts des histoires avec des loups. Je me relève et reviens vers les arbres. Ce retour me fait une impression tout d’un coup affolante, comme toutes les promenades dans les forêts inconnues le soir tombé. J’ai froid et mal aux tentacules imprimés sur ma chair. J’ai oublié mes vêtements sur la plage Est. Le trajet de retour paraît interminable.

Je me retrouve souvent dans des situations dangereuses récemment, j’entre dans certains chemins ou tunnels sans réfléchir et je me mets en danger. Comme avec cette présence dans les tréfonds ou ce balcon de la chambre E-1027. J’ai perdu un jour pour écrire et j’ai bu la tasse de Madame Dou. J’ai été attirée d’abord par l’odeur très forte du mélange de plantes. Depuis l’adolescence je suis attirée par l’effet des drogues. J’ai eu le pressentiment de l’intoxication en humant la tasse. Un sentiment d’excitation. Je me suis mise moi-même dans ce piège. Après je suis allée me perdre dans le bois.

J’alterne entre l’extraconscience et l’extrême inconscience de mon corps. Je pense me tordre les chevilles sur toutes les racines, mais je suis devenue molle moi aussi. Je suis une méduse. J’arrive dans le bois de conifères qui sent très bon les pins et les épinettes. Je crois entendre des pulsations. Je suis frappée d’une odeur qui me ramène encore au rang de la petite maison blanche de ma mère. C’est peut-être ça, c’est seulement l’odeur qui m’a fait penser à la campagne de ma jeunesse. J’entends bien une certaine musique. Et je me creuse un chemin dans les branches de plus en plus serrées. Je me griffe les brûlures et je sacre. Ce sont des tambours et des voix.

J’aperçois un feu qui brûle au loin. Il y a des femmes qui dansent sur le rythme des tambours. J’avance en faisant casser des branches. Je suis rendue à côté d’elles et je reconnais Madame Dou et Kenojuak qui frappent leurs mains sur la peau des instruments. Je reconnais les visages de certaines femmes des cours de langues qui dansent dans une sorte de transe autour des musiciennes. Est-ce une cérémonie vaudou ? Je m’approche d’elles, aucune ne semble notifier ma présence. Puis Bertina tombe par terre, possédée par des spasmes. Kebe a des mouvements de tête dans tous les sens et elle tombe aussi, étourdie. Elle m’attrape une cheville et je tombe sur elle à sa suite. La douleur de ma peau se refait sentir et je crie en crachant tellement c’est une douleur singulière. Je me tortille bientôt avec elles sur le sol terreux. Je ne comprends pas que Madame Dou ne vienne pas m’aider. Ses yeux sont si concentrés vers l’intérieur que je pense ne plus les voir. Elle a des trous à la place des yeux. Je fixe les clés de son cou qui sont agitées et font des bonds sur sa poitrine tandis qu’elle frappe le tambour. Je me bats contre Kebe qui est habitée d’une exaltation qui frôle la folie. Elle me prend par les bras, les jambes, et ma peau souffre. Je finis par me déprendre et je me sauve de leur cérémonie magique. Je fonce dans tous les arbres. Cette soirée est comme un cauchemar.

Il fait nuit tandis que je reviens vers l’hôtel et le jardin Sud. J’entre dans cet espace de verdure. Je me faufile entre les plants et me réfugie près d’un énorme aloès. J’arrache de longues lanières de feuilles que j’éventre pour envelopper mon corps. Je porte comme cette deuxième peau visqueuse et verte. Mon œil regarde encore toutes choses comme si je les voyais pour la première fois. Je suis dans un jardin, mais toutes les couleurs et les odeurs me semblent nouvelles. Je regarde les nombreuses étoiles qui miroitent dans un ciel noir. Quelle drogue possède la vertu de me rendre méduse ? Je glisse ma main dans l’eau pour troubler la rondeur de cette lune qui se réverbère. Je m’endors, la main trempant dans le bassin.

 

Plonger la main dans le bassin / Attendre la traduction

À l’extérieur, je regarde les arbres et je les trouve beaux. Je vais en prendre un dans mes bras. Je le sens tandis que je frotte mon visage dans ses lichens. Puis j’entre dans la forêt. J’ouvre grands mes yeux et mes oreilles. Je suis disponible à tout. J’entends différents oiseaux, j’entends le vent et le bruissement qu’il produit dans les feuilles. C’est une forêt mixte qui contient plusieurs feuillus aux écorces sinueuses. Je trace toutes les routes de leurs peaux. Je marche longtemps sans penser au retour. Les odeurs deviennent résineuses et j’entre dans une étendue de conifères. Mes cheveux se prennent dans toutes les branches cassantes et me forment une sorte de panache que je traîne. Je trouve cette étendue de mousses et je m’y étends. Tout est spongieux, mou, mais organique. Je sens que je m’enfonce dans la terre.

Je passe devant ce qui ressemble à un vieux caveau. La porte est fermée à clé. Je marche dans ce sentier qui a creusé le sol de manière superficielle. Je débouche sur cette mer Est, dont j’ai entendu parler sans encore l’avoir vue. La plage possède un sable rouge et le bord de l’eau se sculpte en rocher de la même couleur. Je me déshabille. L’eau est plus fraîche que dans l’océan Ouest. Je me lance et fais quelques brasses. Je savoure le sel de la mer. Je remarque alors toutes ces méduses qui flottent à la surface. Elles apparaissent en même temps que je nage. Leurs corps mous et flasques trempent dans toute l’eau qui m’entoure. Ce que ce peut être beau comme animal. C’est la deuxième fois de ma vie que j’en vois. La première était à Tofino sur l’île de Vancouver. Mais là-bas, elles étaient prisonnières sur le sable sec à marée basse. C’est la première fois que je nage avec des méduses. Je danse avec elles. Il doit y en avoir une centaine. Je tends les mains pour les flatter et la première me pique. C’est une décharge très forte qui me fait hurler. Alors je nage vers la plage. Il y a plusieurs piqûres encore et je les sens si fortes que je crois pleurer puis jouir d’une douleur profonde. Je rejoins enfin la plage où je me tire sur le sable. Il y en a une dans mes cheveux que j’enlève en la lançant loin dans l’eau. Je m’excuse. J’ai brisé leur nid. Elles se sont vengées. Fair enough. Ouf ! Je reprends mon souffle sur la plage. Est-ce que c’est vrai l’affaire de l’urine ? Je ressens comme des chocs électriques dans mon cœur. Je palpite sur la plage. Je regarde mes bras et mon ventre, ma peau qui possède comme de nombreuses traces ou des chemins ancrés. Je trouve ça très beau. Ma peau hurle, mais je suis envoûtée. C’est une douleur douce amère. Il commence à faire sombre je devrais rentrer, je connais les forêts des histoires avec des loups. Je me relève et reviens vers les arbres. Ce retour me fait une impression tout d’un coup affolante, comme toutes les promenades dans les forêts inconnues le soir tombé. J’ai froid et mal aux tentacules imprimés sur ma chair. J’ai oublié mes vêtements sur la plage Est. Le trajet de retour paraît interminable.

Je me retrouve souvent dans des situations dangereuses récemment, j’entre dans certains chemins ou tunnels sans réfléchir et je me mets en danger. Comme avec cette présence dans les tréfonds ou ce balcon de la chambre E-1027. J’ai perdu un jour pour écrire et j’ai bu la tasse de Madame Dou. J’ai été attirée d’abord par l’odeur très forte du mélange de plantes. Depuis l’adolescence je suis attirée par l’effet des drogues. J’ai eu le pressentiment de l’intoxication en humant la tasse. Un sentiment d’excitation. Je me suis mise moi-même dans ce piège. Après je suis allée me perdre dans le bois.

J’alterne entre l’extraconscience et l’extrême inconscience de mon corps. Je pense me tordre les chevilles sur toutes les racines, mais je suis devenue molle moi aussi. Je suis une méduse. J’arrive dans le bois de conifères qui sent très bon les pins et les épinettes. Je crois entendre des pulsations. Je suis frappée d’une odeur qui me ramène encore au rang de la petite maison blanche de ma mère. C’est peut-être ça, c’est seulement l’odeur qui m’a fait penser à la campagne de ma jeunesse. J’entends bien une certaine musique. Et je me creuse un chemin dans les branches de plus en plus serrées. Je me griffe les brûlures et je sacre. Ce sont des tambours et des voix.

J’aperçois un feu qui brûle au loin. Il y a des femmes qui dansent sur le rythme des tambours. J’avance en faisant casser des branches. Je suis rendue à côté d’elles et je reconnais Madame Dou et Kenojuak qui frappent leurs mains sur la peau des instruments. Je reconnais les visages de certaines femmes des cours de langues qui dansent dans une sorte de transe autour des musiciennes. Est-ce une cérémonie vaudou ? Je m’approche d’elles, aucune ne semble notifier ma présence. Puis Bertina tombe par terre, possédée par des spasmes. Kebe a des mouvements de tête dans tous les sens et elle tombe aussi, étourdie. Elle m’attrape une cheville et je tombe sur elle à sa suite. La douleur de ma peau se refait sentir et je crie en crachant tellement c’est une douleur singulière. Je me tortille bientôt avec elles sur le sol terreux. Je ne comprends pas que Madame Dou ne vienne pas m’aider. Ses yeux sont si concentrés vers l’intérieur que je pense ne plus les voir. Elle a des trous à la place des yeux. Je fixe les clés de son cou qui sont agitées et font des bonds sur sa poitrine tandis qu’elle frappe le tambour. Je me bats contre Kebe qui est habitée d’une exaltation qui frôle la folie. Elle me prend par les bras, les jambes, et ma peau souffre. Je finis par me déprendre et je me sauve de leur cérémonie magique. Je fonce dans tous les arbres. Cette soirée est comme un cauchemar.

Il fait nuit tandis que je reviens vers l’hôtel et le jardin Sud. J’entre dans cet espace de verdure. Je me faufile entre les plants et me réfugie près d’un énorme aloès. J’arrache de longues lanières de feuilles que j’éventre pour envelopper mon corps. Je porte comme cette deuxième peau visqueuse et verte. Mon œil regarde encore toutes choses comme si je les voyais pour la première fois. Je suis dans un jardin, mais toutes les couleurs et les odeurs me semblent nouvelles. Je regarde les nombreuses étoiles qui miroitent dans un ciel noir. Quelle drogue possède la vertu de me rendre méduse ? Je glisse ma main dans l’eau pour troubler la rondeur de cette lune qui se réverbère. Je m’endors, la main trempant dans le bassin.

 

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