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Aurélie William Levaux 
2021C006

 

On avait nettoyé l’escalier avec la petite. Ça nous avait pris une bonne heure. Ça n’avait plus été fait depuis des lustres. Nous avions balayé le coton-tige qui sautait de marche en marche au gré des passages de semelles depuis des mois sans jamais avoir été ramassé par quiconque. J’avais aspiré l’entrée de la cave dans laquelle nous avions retrouvé, la semaine précédente, une merde, vraiment énorme et vraisemblablement humaine, au beau milieu d’un carton. Quelques jours auparavant, j’avais croisé un mec, à l’attitude suspecte, chauve et en costume devant la porte d’entrée, et puis, plus haut dans l’escalier, un type moustachu, en slip rouge, suant comme sortant d’un sauna et descendant en direction de la cave sur la pointe des pieds. Baptiste les avait croisés peu après également. Vous cherchez la salle descalade ? leur avait-il demandé, car il y a une salle d’escalade juste à côté et que ça arrive souvent que les gens, se trompant de porte, se retrouvent chez nous, le regard perdu. Oui, oui, nous allons escalader, l’avaient rassuré Crâne chauve et Slip rouge. Cet immeuble n’est pas un hôtel, non, mais on aurait presque pu l’imaginer, à certaines périodes de l’année, vu le nombre de gens qui défilent dans l’escalier, étudiants, ouvriers, comptables et sportifs d’âge et de couleurs variées. Les personnes identifiables, celles que je croise de façon stable, sont deux hommes, un couple, résidant dans l’appart sous le mien, toujours en marcel, été comme hiver. En sept ans, nous ne nous étions jamais adressés la parole. Le plus grand, celui qui fait apparemment de la muscu et porte une dense barbe noire qui me fait toujours, vision déformée par l’époque, l’effet d’un masque troué au niveau de la bouche, a un air hautain et le plus petit ne décolle jamais le regard de son Iphone. Il joue à Pokémon de façon constante et plutôt préoccupante.

***

La petite dormait à présent. Baptiste n’allait pas revenir le jour prévu, la voiture qu’il venait d’acheter avait de graves problèmes, il n’avait plus un rond pour la réparer et le garagiste n’avait pas commandé la bonne boule d’attelage pour la caravane. M’emmerdant ferme, entendant des voix et de la musique s’échapper des fenêtres de mes voisins du bas, je m’étais décidée à aller à leur rencontre. J’étais descendue d’un étage et avais frappé à leur porte ornée d’un arc-en-ciel et d’un smiley jaune. Excusez-nous pour le bruit, ils avaient réagi gênés, en me voyant débarquer. Non, ne vous inquiétez pas, je mennuyais, je me disais que je pourrais boire un verre avec vous, j’avais annoncé. Ils m’avaient accueillie à bras ouvert et m’avaient installée dans le canapé en cuir blanc, entre eux, les deux, vêtus de leurs traditionnels marcels. Un ventilateur soufflait comme s’il faisait 50 degrés, ce qui était loin d’être le cas. Sur un écran géant passait le karaoké d’une chanson d’Indochine. C’est comme ça qu’ils passent leurs soirées, m’avaient-ils expliqué : en jouant sur Twitch, et ça donnait sacrément chaud apparemment. On avait un peu discuté, très sympathiquement autour d’un verre de faux Martini. Alors, comment vous êtes-vous rencontrés ? j’avais demandé. Dans une partouze à Anvers, avait souri le grand barbu. Oui, nous les pédés, on fait parfois des partouzes, s’était excusé le petit, qui s’appelait Randy. Ah, oui, jimagine, j’avais souri. Mais en organisez-vous de temps à autre ici ? je les avais interrogés, leur évoquant la vision que j’avais eue de Slip rouge suant dans l’escalier. Ils avaient hésité. Oui, lui, cest une vieille connaissance, un milliardaire un peu vicelard. On ne sait pas pourquoi, il kiffe venir chez nous, mais ce jour-là, il a abusé, il a franchi toutes les limites, on a dû le foutre dehors, avait haussé les épaules le grand en me resservant un faux Martini. Je n’avais pas investigué sur les limites dépassées, mais parlé de notre découverte de l’immense crotte humaine trouvée au milieu du carton à l’entrée de la cave. Oh, non, Randy, tu imagines, il la fait, quelle pétasse, alors, ce mec, toujours ce besoin de vengeance, avait lancé le grand barbu à Randy. Il ne mettra plus les pieds ici, avait réagi avec sévérité Randy. On avait bien rigolé autour du sujet des milliardaires qui chient dans des caisses, puis on s’était dit que c’était une bonne chose qu’on se connaisse enfin, qu’il ne fallait pas aller bien loin pour faire de nouvelles connaissances, que c’était des fois beau, la vie. J’avais passé une excellente soirée et j’étais remontée un peu bourrée. Très inspirée, en besoin de sortir de ma féminité ringarde, j’avais mis de la techno à fond et, dans l’obscurité, j’avais coupé mes cheveux beaucoup trop courts.

 

Faire l’amour en Wallonie
Faire un tour dans une mairie en Wallonie

On avait nettoyé l’escalier avec la petite. Ça nous avait pris une bonne heure. Ça n’avait plus été fait depuis des lustres. Nous avions balayé le coton-tige qui sautait de marche en marche au gré des passages de semelles depuis des mois sans jamais avoir été ramassé par quiconque. J’avais aspiré l’entrée de la cave dans laquelle nous avions retrouvé, la semaine précédente, une merde, vraiment énorme et vraisemblablement humaine, au beau milieu d’un carton. Quelques jours auparavant, j’avais croisé un mec, à l’attitude suspecte, chauve et en costume devant la porte d’entrée, et puis, plus haut dans l’escalier, un type moustachu, en slip rouge, suant comme sortant d’un sauna et descendant en direction de la cave sur la pointe des pieds. Baptiste les avait croisés peu après également. Vous cherchez la salle descalade ? leur avait-il demandé, car il y a une salle d’escalade juste à côté et que ça arrive souvent que les gens, se trompant de porte, se retrouvent chez nous, le regard perdu. Oui, oui, nous allons escalader, l’avaient rassuré Crâne chauve et Slip rouge. Cet immeuble n’est pas un hôtel, non, mais on aurait presque pu l’imaginer, à certaines périodes de l’année, vu le nombre de gens qui défilent dans l’escalier, étudiants, ouvriers, comptables et sportifs d’âge et de couleurs variées. Les personnes identifiables, celles que je croise de façon stable, sont deux hommes, un couple, résidant dans l’appart sous le mien, toujours en marcel, été comme hiver. En sept ans, nous ne nous étions jamais adressés la parole. Le plus grand, celui qui fait apparemment de la muscu et porte une dense barbe noire qui me fait toujours, vision déformée par l’époque, l’effet d’un masque troué au niveau de la bouche, a un air hautain et le plus petit ne décolle jamais le regard de son Iphone. Il joue à Pokémon de façon constante et plutôt préoccupante.

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La petite dormait à présent. Baptiste n’allait pas revenir le jour prévu, la voiture qu’il venait d’acheter avait de graves problèmes, il n’avait plus un rond pour la réparer et le garagiste n’avait pas commandé la bonne boule d’attelage pour la caravane. M’emmerdant ferme, entendant des voix et de la musique s’échapper des fenêtres de mes voisins du bas, je m’étais décidée à aller à leur rencontre. J’étais descendue d’un étage et avais frappé à leur porte ornée d’un arc-en-ciel et d’un smiley jaune. Excusez-nous pour le bruit, ils avaient réagi gênés, en me voyant débarquer. Non, ne vous inquiétez pas, je mennuyais, je me disais que je pourrais boire un verre avec vous, j’avais annoncé. Ils m’avaient accueillie à bras ouvert et m’avaient installée dans le canapé en cuir blanc, entre eux, les deux, vêtus de leurs traditionnels marcels. Un ventilateur soufflait comme s’il faisait 50 degrés, ce qui était loin d’être le cas. Sur un écran géant passait le karaoké d’une chanson d’Indochine. C’est comme ça qu’ils passent leurs soirées, m’avaient-ils expliqué : en jouant sur Twitch, et ça donnait sacrément chaud apparemment. On avait un peu discuté, très sympathiquement autour d’un verre de faux Martini. Alors, comment vous êtes-vous rencontrés ? j’avais demandé. Dans une partouze à Anvers, avait souri le grand barbu. Oui, nous les pédés, on fait parfois des partouzes, s’était excusé le petit, qui s’appelait Randy. Ah, oui, jimagine, j’avais souri. Mais en organisez-vous de temps à autre ici ? je les avais interrogés, leur évoquant la vision que j’avais eue de Slip rouge suant dans l’escalier. Ils avaient hésité. Oui, lui, cest une vieille connaissance, un milliardaire un peu vicelard. On ne sait pas pourquoi, il kiffe venir chez nous, mais ce jour-là, il a abusé, il a franchi toutes les limites, on a dû le foutre dehors, avait haussé les épaules le grand en me resservant un faux Martini. Je n’avais pas investigué sur les limites dépassées, mais parlé de notre découverte de l’immense crotte humaine trouvée au milieu du carton à l’entrée de la cave. Oh, non, Randy, tu imagines, il la fait, quelle pétasse, alors, ce mec, toujours ce besoin de vengeance, avait lancé le grand barbu à Randy. Il ne mettra plus les pieds ici, avait réagi avec sévérité Randy. On avait bien rigolé autour du sujet des milliardaires qui chient dans des caisses, puis on s’était dit que c’était une bonne chose qu’on se connaisse enfin, qu’il ne fallait pas aller bien loin pour faire de nouvelles connaissances, que c’était des fois beau, la vie. J’avais passé une excellente soirée et j’étais remontée un peu bourrée. Très inspirée, en besoin de sortir de ma féminité ringarde, j’avais mis de la techno à fond et, dans l’obscurité, j’avais coupé mes cheveux beaucoup trop courts.

 

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