Ana Cazor
2022A029
Clean nostalgie
Je n’ai eu aucun mal à retrouver la 708. Il y a une pancarte clouée sur la porte : « Les travaux commencent demain, il faut libérer la chambre au plus vite. » C’est signé Monsieur Henri.
La chambre sent le propre, aérée, une fenêtre est ouverte.
Geste réflexe, j’appuie sur l’interrupteur. Une ampoule de chantier hésite puis s’allume. Le plafonnier n’a pas été remplacé, mais un fil électrique avec un nœud comme un coulissant en descend. J’aurais aimé avoir ça avant.
L’Océan s’affiche sur le mur et goutte, le coin déchiré a été scotché.
Il y a un téléphone à cadran sur la commode. Je décroche, pas de tonalité, un message est enregistré à mon intention : « Ici la direction de l’hôtel, nous vous demandons de quitter la chambre 708 au plus vite. Merci de venir régler votre note à l’accueil. Les petits-déjeuners ne sont pas compris dans le prix. Les travaux commencent demain. On vous avait prévenu… »
Je raccroche le combiné et m’allonge sur le lit d’automne. Quelque chose de dur me rentre dans le haut de la cuisse. J’aurai peut-être un bleu, c’est moche. Sur le mur en face, des pans de papiers peints décollés, à la place, des trainées de couleurs criardes, échantillons de nouveauté.
Je suis venu sans bagage.
Je suis venu dans la chambre 708, pour tout le temps possible, pour retrouver la femme suspendue.
Il est temps de partir. Je ne suis même pas fichu d’en faire un portrait-robot. Je n’ai pas retrouvé le rocher derrière lequel elle, suspendue, regardait l’Océan. Si ça se trouve, c’était une butte.
Irène a perdu son boulot. Je ne la verrai plus jamais. J’ai envie de mourir, mais assez vite, l’envie passe. Ça sent quand même la fin.
Quand les murs se mettent à trembler, une sono, des basses ou peut-être une armée ? C’est peut-être la guerre atomique ? Je me demande si le monde va se désagréger. Ça me tirerait une sacrée épine du pied.
Je me redresse.
Dans le couloir, des enfants courent et crient : « Des bonbons ou un sort ! » J’ai peur qu’ils rentrent alors je sors.