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Aurélie William Levaux 
2021C003

Les gens du laboratoire d’analyse médicale m‘avaient expliqué qu’ils étaient surchargés, que les résultats arriveraient dans les 48 heures si tout allait bien. Mon espoir de faire voir Corfou à ma fille s’amenuisait d’heure en heure, il n’en restait maintenant plus que 24 avant notre départ. En rentrant de la mairie, j’avais tapé dans Google «Carte didentité périmée-voyager-Europe». J’avais alors découvert avec étonnement qu’il était parfois possible de se déplacer dans l’espace Schengen avec des passeports périmés. On va y arriver, j’avais hurlé à ma fille, en pleine montée euphorique. J’avais essayé de prendre rendez-vous afin de faire les obligatoires tests PCR. Le médecin du quartier m’avait expliqué que, pour les départs à l’étranger, et si nous étions en top santé, fraîches comme la rosée, aucun symptôme, que dalle, il ne pouvait pas s’en occuper et que nous devions nous rendre dans un centre de dépistage. J’avais cherché les centres du coin, mais ils n’ouvraient que le matin et il était à présent midi. J’avais fini par aller déranger, le soir, après son boulot, en plein match Belgique-Finlande, mon frère, qui est assistant pédiatre, complètement crevé comme tous les assistants en médecine le sont puisqu’on les fait bosser comme des esclaves dans le plus parfait mépris de nos états bienveillants. Il nous avait gentiment fourni nos tests. Le lendemain matin, sur le chemin en direction du laboratoire, je pensais à ce que nous étions en train de vivre. Il fallait en passer par là, sans doute, pour que nos culs-blancs et bien nés se rendent compte de ce que c’est de ne pas avoir la possibilité de se mouvoir, d’être empêchés et fliqués de partout.

***

Dans un monde idéal en quête de solidarité et d’équité, dans une idée communiste, pas la nulle, pas celle qui écrabouille et soumet, plutôt que de nous faire connaître à tous l’oppression de façon égalitaire, on aurait pu au contraire accorder à chacun de vivre le même bonheur, la même liberté, sans Ausweis à tous les étages. Ce n’était pas le choix qui avait été pris. Quelle honte, j’avais songé tristement, en déposant mes tests au labo, mal à l’aise de savoir tout ce que ça demanderait comme travail, mobilisation, temps et pognon, tout ça pour rien, absolument rien, mais imposé par une poignée de crétins et d’ordures aux manettes de nos gouvernements, retardant ainsi les demandes d’analyses réellement urgentes et utiles qui auraient pu, elles, pour de vrai, pas pour la publicité pharmaceutique ou le style, mais finalement qui s’en souciait encore, sauver des vies.

 

Zaventem — Corfou
Visiter la Wallonie

Les gens du laboratoire d’analyse médicale m‘avaient expliqué qu’ils étaient surchargés, que les résultats arriveraient dans les 48 heures si tout allait bien. Mon espoir de faire voir Corfou à ma fille s’amenuisait d’heure en heure, il n’en restait maintenant plus que 24 avant notre départ. En rentrant de la mairie, j’avais tapé dans Google «Carte didentité périmée-voyager-Europe». J’avais alors découvert avec étonnement qu’il était parfois possible de se déplacer dans l’espace Schengen avec des passeports périmés. On va y arriver, j’avais hurlé à ma fille, en pleine montée euphorique. J’avais essayé de prendre rendez-vous afin de faire les obligatoires tests PCR. Le médecin du quartier m’avait expliqué que, pour les départs à l’étranger, et si nous étions en top santé, fraîches comme la rosée, aucun symptôme, que dalle, il ne pouvait pas s’en occuper et que nous devions nous rendre dans un centre de dépistage. J’avais cherché les centres du coin, mais ils n’ouvraient que le matin et il était à présent midi. J’avais fini par aller déranger, le soir, après son boulot, en plein match Belgique-Finlande, mon frère, qui est assistant pédiatre, complètement crevé comme tous les assistants en médecine le sont puisqu’on les fait bosser comme des esclaves dans le plus parfait mépris de nos états bienveillants. Il nous avait gentiment fourni nos tests. Le lendemain matin, sur le chemin en direction du laboratoire, je pensais à ce que nous étions en train de vivre. Il fallait en passer par là, sans doute, pour que nos culs-blancs et bien nés se rendent compte de ce que c’est de ne pas avoir la possibilité de se mouvoir, d’être empêchés et fliqués de partout.

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Dans un monde idéal en quête de solidarité et d’équité, dans une idée communiste, pas la nulle, pas celle qui écrabouille et soumet, plutôt que de nous faire connaître à tous l’oppression de façon égalitaire, on aurait pu au contraire accorder à chacun de vivre le même bonheur, la même liberté, sans Ausweis à tous les étages. Ce n’était pas le choix qui avait été pris. Quelle honte, j’avais songé tristement, en déposant mes tests au labo, mal à l’aise de savoir tout ce que ça demanderait comme travail, mobilisation, temps et pognon, tout ça pour rien, absolument rien, mais imposé par une poignée de crétins et d’ordures aux manettes de nos gouvernements, retardant ainsi les demandes d’analyses réellement urgentes et utiles qui auraient pu, elles, pour de vrai, pas pour la publicité pharmaceutique ou le style, mais finalement qui s’en souciait encore, sauver des vies.

 

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