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Aurélie William Levaux 
2021C012

 

Depuis notre départ de la Belgique, on avait fait de nombreuses dates de concert, enchaîné du stress, du montage et démontage de matériel, des enroulages de câbles à n’en plus finir, des rencontres et des nuits trop courtes. À chaque fois, avant de grimper sur scène, pour me donner le courage d’affronter le public, je pensais à ma grand-mère, au pass sanitaire, aux fermetures de frontières. De toute façon, c’est la fin du monde, qu’est-ce que ça peut faire de chanter faux et de se foutre la honte quand c’est la fin du monde, je pensais toujours, en prenant une grande inspiration. Les spectacles de la fin du monde avaient été appréciés et avaient apporté un peu de joie dans la dépression sociétale, on n’avait pas fait ça pour rien, c’était déjà bien. On pourra se reposer bientôt, m’avait dit Baptiste en quittant Anduze. Et faire l’amour, aussi, j’avais ajouté. Il avait caressé ma cuisse sale et plaquante de sueur. Oui, on aura deux trois jours pour ça, le camping le plus proche n’est qu’à une heure, il reste une seule petite heure avant de se déshabiller et de se foutre dans la flotte, et ensuite tu auras largement le temps pour écrire, il m’avait promis.

***

Alors que Baptiste manœuvrait avec grande difficulté la voiture souffreteuse tirant la caravane, dans le petit chemin rocailleux indiqué par le GPS, j’avais aperçu, devant nous, un oiseau incroyable, un oiseau long et fin, noir et blanc, gracieux et magnifique, son bec finissait en espèce de petite trompette. Je n’avais jamais vu un animal si beau, il ressemblait à un papillon. À un grand papillon avec une coiffure bizarre. J’avais poussé un petit cri. Waouh, t’as vu ? j’avais demandé à Baptiste avec émotion. Baptiste avait poussé lui aussi un cri. Waouh, meeeerde ! il avait hurlé. À l’intonation de son Waouh, j’avais tout de suite compris qu’on ne réagissait pas du tout à la même découverte. Un immense trou barrait la route. L’oiseau, qui initialement était dans cet immense trou, et ça ne m’avait pas marquée du tout, venait de s’envoler. Au loin, on pouvait voir le panneau signalant que le petit chemin était en réalité une impasse. Tandis que Baptiste faisait marche-arrière, au bord de la crise de nerfs, je décidai de taire cette affaire de bel oiseau rare et de mon très sélectif et pas pragmatique du tout sens de l’observation.

 

Aller dans le camping se baigner et faire l’amour
Retourner en Wallonie et faire l’amour
Rester au camping et écrire

Depuis notre départ de la Belgique, on avait fait de nombreuses dates de concert, enchaîné du stress, du montage et démontage de matériel, des enroulages de câbles à n’en plus finir, des rencontres et des nuits trop courtes. À chaque fois, avant de grimper sur scène, pour me donner le courage d’affronter le public, je pensais à ma grand-mère, au pass sanitaire, aux fermetures de frontières. De toute façon, c’est la fin du monde, qu’est-ce que ça peut faire de chanter faux et de se foutre la honte quand c’est la fin du monde, je pensais toujours, en prenant une grande inspiration. Les spectacles de la fin du monde avaient été appréciés et avaient apporté un peu de joie dans la dépression sociétale, on n’avait pas fait ça pour rien, c’était déjà bien. On pourra se reposer bientôt, m’avait dit Baptiste en quittant Anduze. Et faire l’amour, aussi, j’avais ajouté. Il avait caressé ma cuisse sale et plaquante de sueur. Oui, on aura deux trois jours pour ça, le camping le plus proche n’est qu’à une heure, il reste une seule petite heure avant de se déshabiller et de se foutre dans la flotte, et ensuite tu auras largement le temps pour écrire, il m’avait promis.

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Alors que Baptiste manœuvrait avec grande difficulté la voiture souffreteuse tirant la caravane, dans le petit chemin rocailleux indiqué par le GPS, j’avais aperçu, devant nous, un oiseau incroyable, un oiseau long et fin, noir et blanc, gracieux et magnifique, son bec finissait en espèce de petite trompette. Je n’avais jamais vu un animal si beau, il ressemblait à un papillon. À un grand papillon avec une coiffure bizarre. J’avais poussé un petit cri. Waouh, t’as vu ? j’avais demandé à Baptiste avec émotion. Baptiste avait poussé lui aussi un cri. Waouh, meeeerde ! il avait hurlé. À l’intonation de son Waouh, j’avais tout de suite compris qu’on ne réagissait pas du tout à la même découverte. Un immense trou barrait la route. L’oiseau, qui initialement était dans cet immense trou, et ça ne m’avait pas marquée du tout, venait de s’envoler. Au loin, on pouvait voir le panneau signalant que le petit chemin était en réalité une impasse. Tandis que Baptiste faisait marche-arrière, au bord de la crise de nerfs, je décidai de taire cette affaire de bel oiseau rare et de mon très sélectif et pas pragmatique du tout sens de l’observation.

 

Aller dans le camping se baigner et faire l’amour
Retourner en Wallonie et faire l’amour
Rester au camping et écrire