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Réseau des Autrices

Résidences expérimentales

Réseau des Autrices

experimentelle Residenzen

Ana Cazor
2022A008

 

L’heure promise

 

À quatre heures trente tapante, je meurs de faim. C’est une expression, mais j’ai vraiment faim, de celle qui vous troue le ventre… Je vis encore. Une de ces faims qui pourrait rendre fou, mais moi, je suis du genre raisonnable. 

Tout doit être fermé.
Je voudrais appeler, crier, frapper,
Me faire servir en chambre,
Mais il n’y a pas de téléphone.
Je croyais qu’il y en avait un dans chaque chambre d’hôtel.
Ce n’est pas très professionnel,
Sortir dans la rue ?

Trouver quelque chose à se mettre sous la dent:
Encore une expression. 

Je cherche encore, je vérifie, ne serait-ce que pour passer un coup de fil… Encore une… Je n’en trouve pas. Il y a bien le fil du plafonnier, mais il est cassé. 

Il faudrait sortir de la chambre et puis descendre au rez-de-chaussée, il serait temps, demander à la réception, elles sont là pour ça, descendre dans le hall d’entrée, le restaurant doit être fermé. Il y a peut-être un distributeur de boissons avec des sucreries dedans. Un jour, dans un distributeur comme ça, j’ai vu une pomme. 

Décidé, j’enfile mes chaussures, de nervosité je serre trop fort et paf ! Les lacets craquent. De mes doigts nerveux d’affamé, une fine mèche de cheveux grisés tombe dans ma paume. Légers, forts et fragiles à la fois, ce sont les siens, j’en suis certain. D’émotion, accentuée par la faim, je verse une larme sur le bord de mes cils et dépose solennellement et tout tremblant, sur la commode, la relique sacrée. 

Ces cheveux me parlent de toi,
Ils ne me disent pas grand-chose.
Je ne te connais pas,
Mais dans cette chambre close,
Je me sens proche de toi,  

J’essuie du revers de la manche,
Le voile de poussière,
Et dépose délicatement sur la commode
La chevelure éclose.

Ils sont fins, ils sont longs,
De la soie sous mes doigts.
Ils me parlent de tes envies.
Filaments ne sentent rien.
Ils sont mèche de vie ou d’un débris,

Qu’importe, c’est toi,
J’espère bien te retrouver. 

Revigoré, je sors en trombe de la 708 pour prendre les escaliers, une intuition, mais je ne croise personne et pas la moindre trace de toi, de friandise, ni de pomme ou même d’un cornichon. Ce serait trop acide à cette heure-là. 

Ana Cazor
2022A008

 

L’heure promise

 

À quatre heures trente tapante, je meurs de faim. C’est une expression, mais j’ai vraiment faim, de celle qui vous troue le ventre… Je vis encore. Une de ces faims qui pourrait rendre fou, mais moi, je suis du genre raisonnable. 

Tout doit être fermé.
Je voudrais appeler, crier, frapper,
Me faire servir en chambre,
Mais il n’y a pas de téléphone.
Je croyais qu’il y en avait un dans chaque chambre d’hôtel.
Ce n’est pas très professionnel,
Sortir dans la rue ?

Trouver quelque chose à se mettre sous la dent:
Encore une expression. 

Je cherche encore, je vérifie, ne serait-ce que pour passer un coup de fil… Encore une… Je n’en trouve pas. Il y a bien le fil du plafonnier, mais il est cassé. 

Il faudrait sortir de la chambre et puis descendre au rez-de-chaussée, il serait temps, demander à la réception, elles sont là pour ça, descendre dans le hall d’entrée, le restaurant doit être fermé. Il y a peut-être un distributeur de boissons avec des sucreries dedans. Un jour, dans un distributeur comme ça, j’ai vu une pomme. 

Décidé, j’enfile mes chaussures, de nervosité je serre trop fort et paf ! Les lacets craquent. De mes doigts nerveux d’affamé, une fine mèche de cheveux grisés tombe dans ma paume. Légers, forts et fragiles à la fois, ce sont les siens, j’en suis certain. D’émotion, accentuée par la faim, je verse une larme sur le bord de mes cils et dépose solennellement et tout tremblant, sur la commode, la relique sacrée. 

Ces cheveux me parlent de toi,
Ils ne me disent pas grand-chose.
Je ne te connais pas,
Mais dans cette chambre close,
Je me sens proche de toi,  

J’essuie du revers de la manche,
Le voile de poussière,
Et dépose délicatement sur la commode
La chevelure éclose.

Ils sont fins, ils sont longs,
De la soie sous mes doigts.
Ils me parlent de tes envies.
Filaments ne sentent rien.
Ils sont mèche de vie ou d’un débris,

Qu’importe, c’est toi,
J’espère bien te retrouver. 

Revigoré, je sors en trombe de la 708 pour prendre les escaliers, une intuition, mais je ne croise personne et pas la moindre trace de toi, de friandise, ni de pomme ou même d’un cornichon. Ce serait trop acide à cette heure-là.