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Réseau des Autrices

Résidences expérimentales

Réseau des Autrices

experimentelle Residenzen

Laure Zehnacker
2022A011

Chambre de passe – 001

Donne-moi une histoire d‘amour.

Mais une vraie histoire d’amour. Une brûlante qui te dévore depuis le cœur, qui t’enfonce des épines dans les os. J’ai besoin de lèvres ardentes sur les miennes. Une dernière fois connaître la jouissance et souffrir.

Donne-moi une histoire d’amour, tant que l’amour est réciproque. On inventera les détails plus tard.

Je n’ai pas assez vécu. Je n’ai pas assez été aimée.

S’il te plait.

Je suis clouée sur le macadam. Les roues des voitures passent dans la flotte. Tout est blanc, blanc de neige. Même le ciel est blanc, comme un fond en papier peint, sans forme, sans allure. Comme si le ciel n’existait plus. Seul le décor s’y colle. Les arbres bruns à l’écorce rouge sont recouverts sur les branches de poudreuse. La grande pancarte du supermarché en rouge clignote sa meilleure lumière. C’est bientôt Noël. Et il neige.

On marche et nos pas s’enfoncent dans le blanc, épuration d’une capitale qui devient propre, de toute façon.

Berlin s’apaise avec ce tapis soudain, épais. Il n’y a plus de bruit, du moins je ne l’entends pas. Je suis juste là, incapable de bouger, plantée au milieu de la rue, hagarde. J’essaie de retenir ce rêve de la nuit, de retenir son visage. Maintenir le sentiment vaporeux de l’amour.

Une voiture passe. Une moto. Les cris des gamins dans le jardin de la crèche en face. Je n’ai pas le temps de m’arrêter. Je vais dormir à l’hôtel. Je m’en vais retrouver les draps, la chaleur, le souvenir de ce corps que les femmes de ménage ont nettoyé ce matin. Je vais y passer l’hiver. Je ne reviendrai chez moi qu’au printemps pour retrouver mes habitudes moisies et les rendre neuves de ne pas les avoir retouchées.

Laure Zehnacker
2022A011

Chambre de passe – 001

Donne-moi une histoire d‘amour.

Mais une vraie histoire d’amour. Une brûlante qui te dévore depuis le cœur, qui t’enfonce des épines dans les os. J’ai besoin de lèvres ardentes sur les miennes. Une dernière fois connaître la jouissance et souffrir.

Donne-moi une histoire d’amour, tant que l’amour est réciproque. On inventera les détails plus tard.

Je n’ai pas assez vécu. Je n’ai pas assez été aimée.

S’il te plait.

Je suis clouée sur le macadam. Les roues des voitures passent dans la flotte. Tout est blanc, blanc de neige. Même le ciel est blanc, comme un fond en papier peint, sans forme, sans allure. Comme si le ciel n’existait plus. Seul le décor s’y colle. Les arbres bruns à l’écorce rouge sont recouverts sur les branches de poudreuse. La grande pancarte du supermarché en rouge clignote sa meilleure lumière. C’est bientôt Noël. Et il neige.

On marche et nos pas s’enfoncent dans le blanc, épuration d’une capitale qui devient propre, de toute façon.

Berlin s’apaise avec ce tapis soudain, épais. Il n’y a plus de bruit, du moins je ne l’entends pas. Je suis juste là, incapable de bouger, plantée au milieu de la rue, hagarde. J’essaie de retenir ce rêve de la nuit, de retenir son visage. Maintenir le sentiment vaporeux de l’amour.

Une voiture passe. Une moto. Les cris des gamins dans le jardin de la crèche en face. Je n’ai pas le temps de m’arrêter. Je vais dormir à l’hôtel. Je m’en vais retrouver les draps, la chaleur, le souvenir de ce corps que les femmes de ménage ont nettoyé ce matin. Je vais y passer l’hiver. Je ne reviendrai chez moi qu’au printemps pour retrouver mes habitudes moisies et les rendre neuves de ne pas les avoir retouchées.