Ana Cazor
2022A050
Épilogue
Madame Coutelard a fini par me trouver : « Vous vous êtes bien foutu de ma gueule… MON-SIEUR-RO-GER ! » articule-t-elle en mimant de grands airs avec ses bras et ses mains, la bouche arrondie comme pour chanter. C’est tout ce qu’elle m’a dit et d’aller prendre mes affaires aussi. Ils vont venir me chercher. J’ai voulu protester, souligner que Corti continuait à jouer elle, mais elle ne m’a pas laissé finir ma phrase. Je l’ai entendue maugréer : « Je t’en foutrais moi, des femmes suspendues… Madame Kora ! Veuillez descendre s’il-vous-plaît ! On n’est pas assuré contre les chutes de mygales ! »
Avec tout ce temps passé à écouter la sonate entêtée, « la, la, si bécarre, la, la, si bécarre », mes pieds ont retrouvé leur vigueur, je laisse le déambulateur. Il finira aux objets trouvés. J’ai pris l’ascenseur et j’ai retrouvé ma chambre du premier coup, la 708 au quatrième étage. Au pied du lit, une vilaine tache sur la moquette. Je jurerais qu’elle avait été nettoyée. Je m’approche de mes habits posés en tas sur le lit. Je mets mes chaussures, caresse leurs crins fragiles ; ils commencent à se décomposer. Tu es près de moi. J’enfile mon pantalon. Dans la poche, quelque chose de dur. J’y glisse ma main pour voir, c’est la clef dorée, de taille moyenne — chambre 1012, la cellule psychologique… Je l’avais oubliée.
Je m’approche du coffre pour voir, le coffre fermé. J’essaye et, ça marche ! La clef a la bonne taille. Il faut un peu forcer, la serrure est un peu rouillée. Je parviens à l’ouvrir. Le couvercle est lourd, il couine à l’ouverture. Je le cale contre le mur. Il n’y a rien dedans. Je me perds dans ses striures. Il sent le miel renfermé. Je considère la taille du coffre. J’hésite. Je repars vers le lit et j’arrache le poster, celui avec l’Océan dessiné dessus et le coin déchiré. Il goutte encore. Je le prends contre moi avant de rentrer dans le coffre de bois. La taille est bonne, je suis à peine recroquevillé. Ce n’est pas facile de fermer le couvercle quand on est dedans, mais j’y arrive. Je suis déterminé. Je ferme le couvercle et je m’installe. Je vois mal, mais j’entends.
J’entends les vagues et la musique entêtante de Corti Kora. Le vent souffle et m’embaume de sel. Quand tout à coup, je pense à Irène. Je voulais lui laisser un mot pour lui dire de continuer à la chercher. Si elle ne le fait pas, qui le fera ? Mais l’Océan c’est assez grand et je vogue déjà loin dans mon bateau. J’espère qu’elle y pensera…
Je suis dans la chambre 708, pour tout le temps possible, pour retrouver la femme suspendue.