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J’attends que l’on vienne m’autoriser à sortir. Je passe la journée sur mon lit à paresser puis me déplace au balcon, la piscine est toujours vide. Je vais à la salle de bain, me regarde dans tous les miroirs. J’entre et ressors ce ventre, plisse et déplisse ce front, ouvre et ferme ma bouche. Puis je regarde la tuile.

Le soleil se couche sur l’océan Ouest et personne n’est venue me chercher. Je ne sais pas si elles m’ont oubliée ici ou si je devrais sortir moi-même. Je pourrais ouvrir et crier, ou avertir les baigneuses demain matin. On s’habitue vite à ne voir personne. On se met à se parler beaucoup, à faire des siestes et à rêver et s’imaginer des trucs. Je me décide quand même à accéder à la porte. J’enlève les verrous, qui ne m’auront servi à rien, et j’ouvre. À la place de la sortie qui est aussi l’entrée se trouve un mur qui a été construit sans que je ne me rende compte de rien. Je ne peux pas le croire et tends la main pour le toucher. Il est aussi froid qu’auraient dû être ces paliers que je descendais quelques nuits plus tôt. Je le pousse, mais il est solide. Je hurle pour qu’on vienne le détruire, que sais-je, avec une masse. Je vais chercher une chaise et je la tire violemment contre ce qui devait être troué. Je ne comprends pas ce jeu. Je rage contre cette paroi. La cogne avec mes jointures, la botte. Je vais au balcon et crie encore de plus belle. Je ne trouve pas ça drôle. « Sortez-moi de cette chambre ! À l’aide ! » Je suis une princesse dans sa tour et ça me répugne. Pourquoi m’ont-elles enfermée ici ?

Tout à coup, comme propulsée par ma voix, la femme aux jolis yeux saute de son balcon. Elle apparaît en chute libre à ma droite et atterrit dans l’œil de la piscine en un fracas énorme suivi du bruit des remous. Je regarde son corps qui valse avec ses vêtements dans l’eau. Toute la surface est brouillée. J’espère qu’elle ne s’est pas tuée. Je suis tendue, accrochée à la rambarde. Je hurle à nouveau pour qu’on aille voir si elle est morte. Elle fait des bulles, j’espère qu’elle ne se noiera pas. Je suis aux premières loges de ce spectacle funèbre. Je ne veux pas sauter avant qu’elle remonte. Une morte vaut mieux que deux. Mais si je reste enfermée dans la chambre, je finirai par manquer de nourriture. La femme remonte. J’accompagne son inspiration comme si j’avais oublié de respirer. Elle émerge dans l’eau et se met à rire d’un rire fou. Elle s’étend sur le dos et flotte. Je lui crie après. Elle m’observe depuis la cour, nage vers moi. « Je regardais la piscine voyeuse depuis hier, je pensais être dans la partie creuse et j’avais raison ! Ta chambre est du côté non creux et je doute que tu t’en sortes. Je touche au fond ici. » Elle me dit ça en se redressant, posant ses pieds au sol, l’eau lui arrête à la poitrine. Je ne pourrai pas sauter.

« Tu avais un mur à ta porte ?
— Oui ! Hahaha ! »

Elle rit tandis qu’elle replonge dans l’eau. Je suis subjuguée. Comment sortir si la chambre 44 est devant la partie non creuse de la piscine ? Je me mets à paniquer. Je pense que je fais une crise. Je vais à la salle de bain m’asperger le visage d’eau. Puis je regarde la tuile. C’est le temps je pense. J’appuie sur celle qui est posée à l’envers.

 

fig. 8

 

Faire pivoter la tuile
Rejoindre la femme aux jolies yeux dans la piscine

J’attends que l’on vienne m’autoriser à sortir. Je passe la journée sur mon lit à paresser puis me déplace au balcon, la piscine est toujours vide. Je vais à la salle de bain, me regarde dans tous les miroirs. J’entre et ressors ce ventre, plisse et déplisse ce front, ouvre et ferme ma bouche. Puis je regarde la tuile.

Le soleil se couche sur l’océan Ouest et personne n’est venue me chercher. Je ne sais pas si elles m’ont oubliée ici ou si je devrais sortir moi-même. Je pourrais ouvrir et crier, ou avertir les baigneuses demain matin. On s’habitue vite à ne voir personne. On se met à se parler beaucoup, à faire des siestes et à rêver et s’imaginer des trucs. Je me décide quand même à accéder à la porte. J’enlève les verrous, qui ne m’auront servi à rien, et j’ouvre. À la place de la sortie qui est aussi l’entrée se trouve un mur qui a été construit sans que je ne me rende compte de rien. Je ne peux pas le croire et tends la main pour le toucher. Il est aussi froid qu’auraient dû être ces paliers que je descendais quelques nuits plus tôt. Je le pousse, mais il est solide. Je hurle pour qu’on vienne le détruire, que sais-je, avec une masse. Je vais chercher une chaise et je la tire violemment contre ce qui devait être troué. Je ne comprends pas ce jeu. Je rage contre cette paroi. La cogne avec mes jointures, la botte. Je vais au balcon et crie encore de plus belle. Je ne trouve pas ça drôle. « Sortez-moi de cette chambre ! À l’aide ! » Je suis une princesse dans sa tour et ça me répugne. Pourquoi m’ont-elles enfermée ici ?

Tout à coup, comme propulsée par ma voix, la femme aux jolis yeux saute de son balcon. Elle apparaît en chute libre à ma droite et atterrit dans l’œil de la piscine en un fracas énorme suivi du bruit des remous. Je regarde son corps qui valse avec ses vêtements dans l’eau. Toute la surface est brouillée. J’espère qu’elle ne s’est pas tuée. Je suis tendue, accrochée à la rambarde. Je hurle à nouveau pour qu’on aille voir si elle est morte. Elle fait des bulles, j’espère qu’elle ne se noiera pas. Je suis aux premières loges de ce spectacle funèbre. Je ne veux pas sauter avant qu’elle remonte. Une morte vaut mieux que deux. Mais si je reste enfermée dans la chambre, je finirai par manquer de nourriture. La femme remonte. J’accompagne son inspiration comme si j’avais oublié de respirer. Elle émerge dans l’eau et se met à rire d’un rire fou. Elle s’étend sur le dos et flotte. Je lui crie après. Elle m’observe depuis la cour, nage vers moi. « Je regardais la piscine voyeuse depuis hier, je pensais être dans la partie creuse et j’avais raison ! Ta chambre est du côté non creux et je doute que tu t’en sortes. Je touche au fond ici. » Elle me dit ça en se redressant, posant ses pieds au sol, l’eau lui arrête à la poitrine. Je ne pourrai pas sauter.

« Tu avais un mur à ta porte ?
— Oui ! Hahaha ! »

Elle rit tandis qu’elle replonge dans l’eau. Je suis subjuguée. Comment sortir si la chambre 44 est devant la partie non creuse de la piscine ? Je me mets à paniquer. Je pense que je fais une crise. Je vais à la salle de bain m’asperger le visage d’eau. Puis je regarde la tuile. C’est le temps je pense. J’appuie sur celle qui est posée à l’envers.

 

fig. 8

 

Faire pivoter la tuile
Rejoindre la femme aux jolies yeux dans la piscine