Aujourd’hui marque la fin de ma quarantaine, je ne sais pas si elles viendront cogner à ma porte pour m’inviter à sortir. Ce n’est pas toutes les semaines que je peux dormir seule si longtemps. Je profite des moments qu’il me reste dans cette intimité nouvelle, avant de sortir pour aller à la rencontre des autres habitantes. Il va falloir que je me réapproprie mon corps dans l’espace. Que je réapprenne aussi celui des autres.
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Il est midi et personne n’est encore venu frapper. J’ouvre alors la porte de ma chambre et trouve ce mur qui a été construit à la place du porche. C’est bien moi ça, ne pas me rendre compte que la présence que je crois protectrice est en fait en train de me mettre en prison. Je ne comprends pas ce que ce mur fait là. Je me rends au balcon, regarde cette piscine étrange avec son œil, vidée de nageuses tous les jours depuis que je suis arrivée, il y a deux semaines. Je pense que je pourrais sauter.
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La Québécoise est en train de virer folle, je pense qu’elle lance tous les objets qu’elle trouve contre le mur de la porte. Je comprends enfin son vacarme même s’il me semble absolument inutile. Il va falloir qu’elle se calme, sinon on va la retrouver le crâne fracassé contre le mur, ou alors on ne la retrouvera jamais, parce que nous sommes toutes enfermées.
Je pense que c’est le moment. Je l’entends qui vient sur le balcon en criant à l’aide. Je suis prête à sauter.