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J’écris dans la chambre 45 pendant que Tamisha est sur le bateau. C’est la deuxième journée de leur formation. Je lis quelques textes écrits par les classes intermédiaires des étudiantes de Roaa qui logent toutes dans les ailes A ou C. Certaines font des récits très poétiques de leur voyage. C’est comme lire la guerre dans des paroles juvéniles. L’effet est absolument bouleversant. Je corrige et leur donne des pistes pour développer l’écriture. Roaa m’a demandé de faire un atelier de création avec celles qui le désirent. C’est un projet auquel j’aime beaucoup participer. Écrire leurs traumas est un exercice littéraire, psychanalytique, en même temps qu’un apprentissage de la langue. Je travaille aussi souvent à la bibliothèque. J’y viens, dès que j’ai fini le service du déjeuner, écrire, préparer les classes. Je profite aussi de la matinée pour venir observer la miniature de l’hôtel. La chambre 44 est devenue un espace vide. Dorénavant je suis pas mal certaine que c’est Silvia qui en a fermé l’accès. Elle ne travaille plus aux cuisines et je ne la croise plus depuis quelques jours. Madame Dou aussi semble rester plus souvent dans la serre ou sa maison. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un hasard.

*

L’échelle n’est plus sous nos balcons, pourtant celui de la 44 est encore bien visible. Je n’arrive toutefois pas à voir les étages de l’aile E au-dessus de l’aile D, qui forment les deuxième et troisième étages. Je me surprends presque moi-même à regarder le toit pour la première fois. J’avais toujours cette vue inverse, vers l’œil de la piscine. Le balcon de la 44 est demeuré attaché au mur. Je voudrais bien voir l’intérieur.

Je me promène sur le site qui est assez vaste tout l’après-midi. Je ne trouve Silvia et Madame Dou dans aucun jardin ni à la serre.

Les travailleuses présentes me disent que Madame Dou doit être chez elle. Je me rends d’instinct vers la cabane que j’ai vue dans mes rêves. Elle ressemble effectivement à cette demeure où a grandi ma mère. Je trouve cette disposition très étrange, entre l’onirisme et la possibilité improbable. Que fait cette maison ici ? En cognant, je reconnais une des femmes de l’équipe d’aquaforme.

« Est-ce que Madame Dou est ici ?
一 Hum pas sûre, va voir dans sa chambre. » Elle retourne s’asseoir devant les télés que j’avais aussi préalablement imaginées. Je monte l’escalier de mon rêve et arrive à l’étage où il y a trois chambres. La première contient une multitude de livres, vêtements, valises. L’endroit ressemble plutôt à un débarras. Je vais vers la deuxième chambre, et la reconnais comme étant celle de Madame Dou, mais elle n’y est pas. Je décide d’entrer tout de même, secrètement, et vois deux fauteuils de velours anciens avec des boiseries. Un lit se tient sur la droite avec une commode. Un papier peint vieillot, qui présente différentes fleurs ouvertes en cours d’éclosion sur des branches ou autres formes sylvestres, tapisse les murs. Quelques personnages ont été ajoutés au crayon autour de ces fleurs, au fil du temps. Est-ce Madame Dou qui les a dessinés ? Je remarque cette tasse posée sur la table basse entre les deux fauteuils. Je la prends.

Je redescends les marches et vais vers la cuisine qui s’ouvre au bout de l’escalier. Cuisine d’été, petite table ronde et four à propane. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je bois le contenu de la tasse de Madame Dou. Je repasse devant la nageuse qui est fixée devant l’écran sur une émission japonaise.
« Au revoir !
— Hum hum. »

 

Pénétrer dans la forêt

J’écris dans la chambre 45 pendant que Tamisha est sur le bateau. C’est la deuxième journée de leur formation. Je lis quelques textes écrits par les classes intermédiaires des étudiantes de Roaa qui logent toutes dans les ailes A ou C. Certaines font des récits très poétiques de leur voyage. C’est comme lire la guerre dans des paroles juvéniles. L’effet est absolument bouleversant. Je corrige et leur donne des pistes pour développer l’écriture. Roaa m’a demandé de faire un atelier de création avec celles qui le désirent. C’est un projet auquel j’aime beaucoup participer. Écrire leurs traumas est un exercice littéraire, psychanalytique, en même temps qu’un apprentissage de la langue. Je travaille aussi souvent à la bibliothèque. J’y viens, dès que j’ai fini le service du déjeuner, écrire, préparer les classes. Je profite aussi de la matinée pour venir observer la miniature de l’hôtel. La chambre 44 est devenue un espace vide. Dorénavant je suis pas mal certaine que c’est Silvia qui en a fermé l’accès. Elle ne travaille plus aux cuisines et je ne la croise plus depuis quelques jours. Madame Dou aussi semble rester plus souvent dans la serre ou sa maison. Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un hasard.

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L’échelle n’est plus sous nos balcons, pourtant celui de la 44 est encore bien visible. Je n’arrive toutefois pas à voir les étages de l’aile E au-dessus de l’aile D, qui forment les deuxième et troisième étages. Je me surprends presque moi-même à regarder le toit pour la première fois. J’avais toujours cette vue inverse, vers l’œil de la piscine. Le balcon de la 44 est demeuré attaché au mur. Je voudrais bien voir l’intérieur.

Je me promène sur le site qui est assez vaste tout l’après-midi. Je ne trouve Silvia et Madame Dou dans aucun jardin ni à la serre.

Les travailleuses présentes me disent que Madame Dou doit être chez elle. Je me rends d’instinct vers la cabane que j’ai vue dans mes rêves. Elle ressemble effectivement à cette demeure où a grandi ma mère. Je trouve cette disposition très étrange, entre l’onirisme et la possibilité improbable. Que fait cette maison ici ? En cognant, je reconnais une des femmes de l’équipe d’aquaforme.

« Est-ce que Madame Dou est ici ?
一 Hum pas sûre, va voir dans sa chambre. » Elle retourne s’asseoir devant les télés que j’avais aussi préalablement imaginées. Je monte l’escalier de mon rêve et arrive à l’étage où il y a trois chambres. La première contient une multitude de livres, vêtements, valises. L’endroit ressemble plutôt à un débarras. Je vais vers la deuxième chambre, et la reconnais comme étant celle de Madame Dou, mais elle n’y est pas. Je décide d’entrer tout de même, secrètement, et vois deux fauteuils de velours anciens avec des boiseries. Un lit se tient sur la droite avec une commode. Un papier peint vieillot, qui présente différentes fleurs ouvertes en cours d’éclosion sur des branches ou autres formes sylvestres, tapisse les murs. Quelques personnages ont été ajoutés au crayon autour de ces fleurs, au fil du temps. Est-ce Madame Dou qui les a dessinés ? Je remarque cette tasse posée sur la table basse entre les deux fauteuils. Je la prends.

Je redescends les marches et vais vers la cuisine qui s’ouvre au bout de l’escalier. Cuisine d’été, petite table ronde et four à propane. Je ne sais pas ce qui me prend, mais je bois le contenu de la tasse de Madame Dou. Je repasse devant la nageuse qui est fixée devant l’écran sur une émission japonaise.
« Au revoir !
— Hum hum. »

 

Pénétrer dans la forêt