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Aurélie William Levaux 
2021C001

Bon, je sais que tout le monde a ses trucs à gérer, genre trouver du boulot, ramper pour ne pas le perdre, ne pas mourir de faim, se planquer sous un arbre pour s’abriter du soleil et filtrer l’eau de la Meuse, je sais que les temps sont durs, atroces, et que je ne devrais pas me plaindre, oui, je sais, mais bon, là, je venais de faire un petit tour sur ma réservation Ryanair et ça ne m’avait pas procuré le plaisir attendu. Alors, oui, non, je n’aime pas les avions, ça pollue, c’est moche et ça fait du bruit, mais j’avais promis à ma fille qu’un jour je l’emmènerais ailleurs qu’en France parce qu’elle ne supportait plus la France, disait-elle en soupirant, croyant dur comme fer que la France se limitait à Saint-Claude, la ville de la pipe. Bon, et donc, pour son anniversaire, en 2019, je lui avais dit que oui, oui, on irait en Grèce, ok, d’accord. Sur une île, oui, partir à Corfou, c’est bien ça, c’est super. Les grands-parents et tous les vieux, ils adorent ça, Corfou, c’est bon signe en général. Bon, on avait attendu deux ans avant de pouvoir mettre le truc en place, tellement que tout était bloqué à cause de la Covid-19 et puis, hop, prestement, j’avais réservé les billets d’avion avant qu’on ne puisse plus se mouvoir sans s’être injecté ce vaccin à la con, ce qu’on ne fera évidemment jamais, même sous la torture.

***

Bien, là, j’étais donc sur le site de Ryanair pour récupérer les cartes d’embarquement et je lisais que, bien entendu, il fallait passer un test PCR, mais aussi télécharger des documents du gouvernement grec qui sont incompréhensibles, pas parce qu’écrits en grec, mais parce qu’ils disent vraiment super n’importe quoi comme dans une administration wallonne, du genre qu’on va recevoir une validation par mail, mais on sait pas quand, et un QR code en arrivant, mais à minuit seulement, qu’il faut le renouveler chaque jour, et que si on ne le reçoit pas, on a 500 balles d’amende. Et aussi qu’ils peuvent nous tester, comme ça, au pif, dans le pif, à notre arrivée, et qu’alors, possible qu’on soit mis en quarantaine dans un hôtel spécial maladie sans symptômes, dix jours au moins. Puis, sur le site du gouvernement qui demande qui on est, pourquoi on vient, où on va, comment ça se fait qu’on ne reste pas en Belgique toute notre vie alors que c’est drôlement sympa, qui il faut contacter en cas de pépin, son âge, son adresse, sa couleur de cheveux et sa taille de bite, on peut lire aussi qu’à cause de je sais pas quoi, restrictions budgétaires, genre les musées sont inaccessibles. Bon, les musées, j’en ai rien à foutre, mais ça veut tout dire. Et aussi qu’il faut mettre son masque partout, que ça dit, y compris dehors, surtout dehors, et sur les plages aussi, surtout sur les plages, et montrer son test PCR négatif, mais qui ne date pas de plus de trois jours, pour prendre le bateau, louer un vélo ou une canne à pêche. Enfin, ça dit aussi qu’il y a eu des attentats en Grèce, pas souvent, c’est vrai, mais quand même, ça arrive, qu’il faut bien le savoir et ne jamais prendre ça à la légère, jamais. JAMAIS. Et également que, pour le retour, il faudra télécharger les documents du pays d’origine, la Belgique, donc, qui veut savoir ce qu’on a fichu sur une île, qui on y a rencontré, âge, sexe, matricule, et s’assurer qu’il ne faut pas repasser un test avant de quitter le territoire grec.

***

Bon, tout ça n’était quand même pas très joyeux, disons même un peu décourageant et je sentais que ça montait bien, l’énervement. J’avais encodé tout ce qu’il fallait et là, l’ordinateur m’avait plantée et m’avait dit que je devais recommencer la manœuvre. Alors j’avais recommencé, plutôt très contractée, et tout à coup, surprise, en entrant la date de péremption de la carte d’identité de ma fille dans une case rouge, je remarquai qu’elle était dépassée. Voilà, j’avais pensé qu’on ne voyagerait plus jamais, que c’était mon ultime tentative. Voyager, c’est pour les gros cons, allez tous vous faire vacciner, les vieux, et noyez-vous tous à Corfou dans la piscine pleine de pisse.

 

Tenir ses promesses
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Bon, je sais que tout le monde a ses trucs à gérer, genre trouver du boulot, ramper pour ne pas le perdre, ne pas mourir de faim, se planquer sous un arbre pour s’abriter du soleil et filtrer l’eau de la Meuse, je sais que les temps sont durs, atroces, et que je ne devrais pas me plaindre, oui, je sais, mais bon, là, je venais de faire un petit tour sur ma réservation Ryanair et ça ne m’avait pas procuré le plaisir attendu. Alors, oui, non, je n’aime pas les avions, ça pollue, c’est moche et ça fait du bruit, mais j’avais promis à ma fille qu’un jour je l’emmènerais ailleurs qu’en France parce qu’elle ne supportait plus la France, disait-elle en soupirant, croyant dur comme fer que la France se limitait à Saint-Claude, la ville de la pipe. Bon, et donc, pour son anniversaire, en 2019, je lui avais dit que oui, oui, on irait en Grèce, ok, d’accord. Sur une île, oui, partir à Corfou, c’est bien ça, c’est super. Les grands-parents et tous les vieux, ils adorent ça, Corfou, c’est bon signe en général. Bon, on avait attendu deux ans avant de pouvoir mettre le truc en place, tellement que tout était bloqué à cause de la Covid-19 et puis, hop, prestement, j’avais réservé les billets d’avion avant qu’on ne puisse plus se mouvoir sans s’être injecté ce vaccin à la con, ce qu’on ne fera évidemment jamais, même sous la torture.

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Bien, là, j’étais donc sur le site de Ryanair pour récupérer les cartes d’embarquement et je lisais que, bien entendu, il fallait passer un test PCR, mais aussi télécharger des documents du gouvernement grec qui sont incompréhensibles, pas parce qu’écrits en grec, mais parce qu’ils disent vraiment super n’importe quoi comme dans une administration wallonne, du genre qu’on va recevoir une validation par mail, mais on sait pas quand, et un QR code en arrivant, mais à minuit seulement, qu’il faut le renouveler chaque jour, et que si on ne le reçoit pas, on a 500 balles d’amende. Et aussi qu’ils peuvent nous tester, comme ça, au pif, dans le pif, à notre arrivée, et qu’alors, possible qu’on soit mis en quarantaine dans un hôtel spécial maladie sans symptômes, dix jours au moins. Puis, sur le site du gouvernement qui demande qui on est, pourquoi on vient, où on va, comment ça se fait qu’on ne reste pas en Belgique toute notre vie alors que c’est drôlement sympa, qui il faut contacter en cas de pépin, son âge, son adresse, sa couleur de cheveux et sa taille de bite, on peut lire aussi qu’à cause de je sais pas quoi, restrictions budgétaires, genre les musées sont inaccessibles. Bon, les musées, j’en ai rien à foutre, mais ça veut tout dire. Et aussi qu’il faut mettre son masque partout, que ça dit, y compris dehors, surtout dehors, et sur les plages aussi, surtout sur les plages, et montrer son test PCR négatif, mais qui ne date pas de plus de trois jours, pour prendre le bateau, louer un vélo ou une canne à pêche. Enfin, ça dit aussi qu’il y a eu des attentats en Grèce, pas souvent, c’est vrai, mais quand même, ça arrive, qu’il faut bien le savoir et ne jamais prendre ça à la légère, jamais. JAMAIS. Et également que, pour le retour, il faudra télécharger les documents du pays d’origine, la Belgique, donc, qui veut savoir ce qu’on a fichu sur une île, qui on y a rencontré, âge, sexe, matricule, et s’assurer qu’il ne faut pas repasser un test avant de quitter le territoire grec.

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Bon, tout ça n’était quand même pas très joyeux, disons même un peu décourageant et je sentais que ça montait bien, l’énervement. J’avais encodé tout ce qu’il fallait et là, l’ordinateur m’avait plantée et m’avait dit que je devais recommencer la manœuvre. Alors j’avais recommencé, plutôt très contractée, et tout à coup, surprise, en entrant la date de péremption de la carte d’identité de ma fille dans une case rouge, je remarquai qu’elle était dépassée. Voilà, j’avais pensé qu’on ne voyagerait plus jamais, que c’était mon ultime tentative. Voyager, c’est pour les gros cons, allez tous vous faire vacciner, les vieux, et noyez-vous tous à Corfou dans la piscine pleine de pisse.

 

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