Sur la route entre Anduze et Aniane, la voiture nous avait évidemment lâchés. Au milieu d’une côte, dans un virage, la bagnole s’était mise à crachoter, à sonner rouge, puis s’était arrêtée et n’avait plus redémarré. C’était midi, on avait attendu une bonne heure avant que le garagiste le plus proche réponde. Les voitures roulaient vite, très vite. Baptiste, tout en appelant l’assurance, faisait la circulation tandis que j’essayais d’écrire dans mon carnet, assise sur un rocher les jambes dans les ronces, frissonnant malgré la chaleur à chaque passage de camion, craignant l’accident mortel. Trois fois des gendarmes étaient passés devant nous sans nous marquer le moindre intérêt. Vérifier que l’on porte bien un masque et emmerder le monde sont décidément les seules missions dans lesquelles ils excellent. Il reste quelque chose à boire ? avait demandé Baptiste. Non, rien, j’avais répondu. Il était entré dans la caravane et en était ressorti avec une bière. Non, mais sérieusement, tu penses que c’est le moment ? j’avais réagi, guettant la route super anxieuse. Je vois pas pourquoi tu fais la tête, y a pas de quoi râler, il avait lancé en décapsulant sa bière.
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La dépanneuse était arrivée deux heures plus tard. Baptiste était allé à l’accueil du camping pour annoncer notre venue. Le garagiste et moi avions attendu dans la dépanneuse, gênés, observant la piscine remplie de corps dénudés faisant de l’aquagym sur un tube de Shakira. Le garagiste s’était raclé la gorge. Vous allez être bien ici, il avait hésité. Oui, je pense, c’est mignon en tout cas, avec toute cette nature, j’avais acquiescé. C’est pas comme le Cap d’Agde, ça a l’air plus familial, il avait continué, me jetant un regard en coin. Parce que le Cap d’Agde, faut dire, c’est un peu hot, il avait insisté. J’avais hoché la tête, me souvenant des nombreux bijoux de zob et autres harnachements en similicuir que j’avais aperçus lors d’une de nos balades touristiques. Plus sauvage, j’avais confirmé. Sauvage, voilà, c’est le bon terme, il avait ri. Baptiste était revenu et la dépanneuse, tirant notre caravane, nous avait conduit à notre emplacement, croisant des corps de toutes tailles et de toutes formes, décomplexés, nus, mais en claquettes et sous des bobs. Bon, je jette un œil à votre voiture, je commande des pièces si besoin et on s’appelle demain. Amusez-vous bien, il nous avait salué, le garagiste, avant de partir.
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J’étais assise à la terrasse du camping en face de Baptiste. A poil, bien entendu, puisque c’est un camping naturiste. Enfin, semi à poil, parce que, alors que je les attendais depuis trois mois, me demandant s’il n’y avait pas un souci sérieux du type grossesse hyper nerveuse, mes règles avaient trouvé l’excellent moment pour se manifester, là, à notre arrivée, en fanfare, de façon tonitruante, une vraie inondation. Semi à poil donc, au milieu de gens, eux, totalement nus comme de grands vers roses de Hollande, les bruyants frigos en fond sonore, j’avais enfin sorti mon ordinateur, bien déterminée à écrire.
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Tandis que Baptiste réglait péniblement nos soucis d’assurance et que nos voisins de camping, Eric et Martine, ne mangeaient pas les plats colorés qui avaient pourtant l’air succulents qu’ils avaient devant eux, chacun regardant son smartphone sans se causer, j’écrivais sur le vieil ordi que Baptiste m’avait prêté, ordi dont la spécificité était qu’il ne fonctionnait pas sans branchement, la batterie étant fichue. Il ne fallait le débrancher sous aucun prétexte sans quoi tout était perdu. Je m’y étais mise dans un vif sentiment d’urgence quand, soudain, l’écran était devenu noir. J’avais regardé mon câble, la prise, puis autour de moi. Un silence anormal planait : les frigos ne fonctionnaient plus. Y a une coupure d’électricité, on dirait, avait réagi Eric, qui devait avoir perdu sa connexion Wifi, levant pour la première fois de la journée les yeux de son smartphone tandis que Martine, par dessous la table, filait sa bouffe au chien du camping. Je m’étais figée et avais regardé fixement un point au loin qui était un cul, un cul de femme sortant des toilettes. Baptiste m’observait. Détends-toi, m’avait-t-il conseillé avec le ton de Ramana Maharshi. Je suis parfaitement détendue, j’avais répondu avec pas mal d’hypocrisie dans la voix. Si tu voyais tes yeux, il avait pesté, en cherchant les documents de la caravane dans son sac banane. J’avais tenté d’adoucir mon regard. Les frigos s’étaient remis en route, j’avais rallumé l’ordi. Je venais de perdre tous mes nouveaux textes. Eric et Martine avaient appelé la serveuse pour commander un dessert. Le téléphone de Baptiste avait sonné. C’était le garagiste. En raccrochant, il s’était figé et avait regardé fixement un point au loin, comme moi quelques secondes auparavant, le cul d’un Allemand sortant de la piscine sans doute. La voiture est morte, complètement morte, irréparable, il m’avait dit doucement. Ses yeux avaient changé de couleur.
Martine héroïne de roman
Ouvrir son ordinateur et écrire
Prendre l’avis du garagiste
Aurélie William Levaux
2021C013
Aus dem Französischen von Marie Heck
Auf der Strecke zwischen Anduze und Aniane ließ uns das Auto natürlich im Stich. An einem Steilhang, mitten in einer Kurve, begann die Karre zu stottern, das Armaturenbrett blinkte rot, dann blieb das Auto stehen und sprang nicht mehr an. Es war Mittag und wir mussten eine gute Stunde warten, bis wir dem nächstgelegenen Mechaniker erreichen konnten. Die Autos fuhren schnell, sehr schnell. Während Baptiste die Versicherung anrief, lenkte er den Verkehr, ich saß dabei auf einem Felsen, die Beine im Gestrüpp, versuchte in mein Heft zu schreiben und zitterte trotz der Hitze bei jedem vorbeifahrenden LKW aus Angst vor einem tödlichen Unfall. Drei Mal fuhr die Polizei an uns vorbei, ohne uns das geringste Interesse zu schenken. Kontrollieren, ob man eine Maske trägt und alle Leute nerven, das sind eindeutig die einzigen Aufgaben, in denen sie glänzen. Haben wir noch was zu trinken?, fragte Baptiste. Nein, nichts, antwortete ich. Er verschwand im Wohnwagen und kam mit einem Bier wieder heraus. Nein, im Ernst, glaubst du, das ist jetzt der passende Moment?, fragte ich und beäugte ängstlich die Straße. Ich verstehe nicht, warum du dich aufregst, es gibt keinen Grund dafür, war seine Antwort. Er öffnete das Bier.
***
Der Abschleppwagen war zwei Stunden später eingetroffen. Baptiste war zur Rezeption des Campingplatzes gegangen, um unsere Ankunft anzukündigen. Solange warteten der Mechaniker und ich im Abschleppwagen, beobachteten verlegen das Schwimmbecken voller entblößter Körper, die zu einem Hit von Shakira Aquagymnastik machten. Der Mechaniker räusperte sich. Sie werden es hier schön haben, sagte er zögerlich. Ja, ich denke auch, jedenfalls ist es hübsch mit der ganzen Natur, stimmte ich zu. Das ist nicht wie das Cap d’Agde, es ist familiärer, fuhr er fort und warf mir einen schiefen Blick zu. Das Cap d’Agde muss man sagen, ist ein bisschen hot. Er ließ nicht locker. Ich nickte, wobei ich mich an die zahlreichen Intimpiercings und Kunstledergeschirre erinnerte, die wir bei unseren Schlendertouren gesehen hatten. Wilder, bestätigte ich. Wild, genau, das ist der richtige Ausdruck, lachte er. Baptiste kam zurück und der Abschleppwagen fuhr uns und den Wohnwagen zu unserem Platz, vorbei an den nackten Körpern aller Größen und Formen ohne Hemmungen, dafür mit Flip-Flops und Sonnenhüten. Gut, ich sehe mir Ihr Auto an, bestelle gegebenenfalls die Teile und melde mich morgen. Viel Spaß. Der Mechaniker winkte noch, bevor er losfuhr.
***
Ich saß Baptiste gegenüber auf der Terrasse des Campingplatzes. Nackt, selbstverständlich, schließlich war es ein FKK-Campingplatz. Genauer gesagt halbnackt, da ich meine Tage hatte, nachdem ich drei Monate darauf gewartet hatte und mich schon gefragt habe, ob ich nicht ein ernstes Problem der Sorte Scheinschwangerschaft hatte. Ausgerechnet jetzt hatte ich sie bekommen, pünktlich zu unserer Ankunft, mit Pauken und Trompeten, eine wahre Flut. Halbnackt also, mitten unter den Leuten, die komplett nackt waren wie dicke, rosa holländische Würmer, vor dem Hintergrundbrummen der Kühlschränke, holte ich endlich meinen Computer heraus und war fest entschlossen, zu schreiben.
***
Während Baptiste mühsam unsere Probleme mit der Versicherung regelte und unsere Camping-Nachbarn Eric und Martine ihre bunten, köstlich aussehenden Teller vor sich nicht anrührten, sondern auf ihre Smartphones starrten, ohne miteinander zu reden, schrieb ich auf dem alten Computer, den Baptiste mir geliehen hatte. Der hatte die Eigenschaft, dass er immer an den Strom angeschlossen sein musste, weil die Batterie im Eimer war. Der Stecker durfte unter keinen Umständen gezogen werden, sonst ging alles verloren. Ich hatte eben ein lebendiges Gefühl von Dringlichkeit entwickelt, als plötzlich der Bildschirm schwarz wurde. Ich blickte auf das Kabel, die Steckdose, dann schaute ich mich um. Es herrschte eine unnatürliche Stille: Die Kühlschränke funktionierten nicht mehr. Wie es aussieht, gibt es einen Stromausfall, meinte Eric, der wahrscheinlich kein W-Lan mehr hatte und zum ersten Mal an diesem Tag von seinem Smartphone aufblickte, während Martine heimlich den Hund des Campingplatzes unter dem Tisch fütterte. Ich war erstarrt und fixierte einen Punkt in der Ferne, der ein Arsch war, ein Frauenarsch, der aus der Toilette kam. Baptiste beobachtete mich. Entspann dich, riet er mir im Tonfall von Ramana Maharshi. Ich bin komplett entspannt, antwortete ich mit einer gehörigen Portion Heuchelei. Wenn du deine Augen sehen könntest, schimpfte er, während er die Dokumente des Wohnwagens in seiner Bauchtasche suchte. Ich versuchte, sanfter zu gucken. Die Kühlschränke sprangen wieder an und ich schaltete den Computer wieder ein. Ich hatte gerade alle meine neuen Texte verloren. Eric und Martine riefen die Bedienung und bestellten Nachtisch. Das Telefon von Baptiste klingelte. Es war der Automechaniker. Baptiste legte auf, ganz verkrampft und fixierte, wie ich ein paar Sekunden vorher, einen Punkt in der Ferne, ohne Zweifel den Arsch eines Deutschen, der gerade aus dem Swimmingpool stieg. Das Auto ist hinüber, komplett hinüber, nicht mehr zu reparieren, sagte er leise. Seine Augen hatten ihre Farbe geändert.
Martine, die Romanheldin
Den Computer aufklappen und schreiben
Dem Automechaniker zuhören