Les jours où je n’écris pas, je me sens médiocre. Même si je traverse 24 heures en étant très occupée, même si ces activités sont stimulantes, j’ai l’impression de ne pas être connectée avec moi-même. C’est peut-être aussi parce que l’écriture m’offre la solitude la plus totale.
*
Si je ne fais qu’écrire dans une journée (pas de sport, pas d’activité sociale, aucune lecture), je me sens, également, médiocre.
*
*
Quand j’avance un projet d’écriture qui n’a pas de garantie de publication, ça me prend un temps fou.
*
Mardi après-midi. Il fait beau. Il a plu toute la semaine ; il faudrait en profiter plutôt qu’écrire.
*
Il paraît que les meilleur·e·s auteurices écrivent peu d’heures par jour. Il paraît qu’il ne sert à rien d’écrire dix heures par jour.
*
*
Toutes les paroles des femmes qui sont passées par là. Qui sont entrées dans l’immeuble. Qui sont sorties avant d’avoir publié. Qui se sont suicidées.
Atelier, 15.5.2023
*
Difficile de reprendre un texte interrompu depuis longtemps. J’aime les chantiers. J’aime les deadlines. J’aime l’édition. J’aime être relue. Je dis oui à toutes les corrections proposées.
*
*
Le soir, je suis moins critique par rapport à mes écrits. Même constat si je suis dans un lieu public « feutré », avec du bruit ou un éclairage tamisé ; par exemple, si je relis un texte sur lequel je travaille le matin, il se peut que je voie tous ses défauts, et que le soir, le texte me paraisse meilleur. Écrire est une expérience de relativisme. Mon rapport à mes œuvres ressemble un peu à mon rapport à mon corps, ça fluctue, varie en fonction des heures.
*
*
Houellebecq m’a raconté qu’il écrivait toujours le matin, dans un demi-sommeil. Comme s’il avait ainsi accès à un monde intérieur, subconscient, qui activait le flot d’écriture.
*
*
Je n’arrive pas à me projeter comme une vieille écrivaine. Pour moi, écrire est associé à la jeunesse. Bientôt, je cesserai d’écrire.
DREI: zeit
Sarah-Louise Pelletier-Morin
Aus dem Französischen von Jennifer Dummer
2023HDA103
An Tagen, an denen ich nicht schreibe, fühle ich mich mittelmäßig. Auch wenn ich 24 Stunden lang sehr beschäftigt bin, auch wenn diese Beschäftigungen anregend sind, habe ich das Gefühl, nicht mit mir selbst verbunden zu sein. Vielleicht, weil mir Schreiben zu vollkommener Einsamkeit verhilft.
*
Wenn ich den ganzen Tag nur schreibe (kein Sport, keine gesellschaftliche Aktivität, keinerlei Lektüre), fühle ich mich auch mittelmäßig.
*
Wenn ich an etwas schreibe, dessen Veröffentlichung nicht garantiert ist, dauert es eine Ewigkeit.
*
Dienstagnachmittag. Die Sonne scheint. Die ganze Woche hat es geregnet; ich sollte es ausnutzen und nicht schreiben.
*
All die Worte von Frauen, die auch dadurch sind. Die das Gebäude betreten haben. Die wieder raus sind, bevor sie etwas veröffentlicht haben. Die Selbstmord begangen haben.
*
Einen Text nach längerer Zeit wieder aufzunehmen fällt mir schwer. Ich mag Textbaustellen. Ich mag Deadlines. Ich mag die Buchbranche. Ich mag es, lektoriert zu werden. Ich akzeptiere alle Korrekturvorschläge.
*
Am Abend bin ich meinem Geschriebenen gegenüber weniger kritisch. So ist es auch, wenn ich an einem „gedämpften“ öffentlichen Ort bin, wo die Geräusche und das Licht reduziert sind; wenn ich zum Beispiel einen Text, an dem ich arbeite, morgens wiederlese, fallen mir all seine Makel auf, und abends erscheint er mir besser. Schreiben basiert auf Relativismus. Die Beziehung zu meinem Geschriebenen gleicht der zu meinem Körper: sie schwankt, wechselt je nach Stunde.
*
Ich kann mir nicht vorstellen, eine alte Schriftstellerin zu sein. Schreiben ist für mich mit Jugend verbunden. Ich werde bald aufhören zu schreiben.
TROIS : temps
DREI: zeit
TROIS : temps
Sarah-Louise Pelletier-Morin
2023HDA103
Les jours où je n’écris pas, je me sens médiocre. Même si je traverse 24 heures en étant très occupée, même si ces activités sont stimulantes, j’ai l’impression de ne pas être connectée avec moi-même. C’est peut-être aussi parce que l’écriture m’offre la solitude la plus totale.
*
Si je ne fais qu’écrire dans une journée (pas de sport, pas d’activité sociale, aucune lecture), je me sens, également, médiocre.
*
*
Quand j’avance un projet d’écriture qui n’a pas de garantie de publication, ça me prend un temps fou.
*
Mardi après-midi. Il fait beau. Il a plu toute la semaine ; il faudrait en profiter plutôt qu’écrire.
*
Il paraît que les meilleur·e·s auteurices écrivent peu d’heures par jour. Il paraît qu’il ne sert à rien d’écrire dix heures par jour.
*
*
Toutes les paroles des femmes qui sont passées par là. Qui sont entrées dans l’immeuble. Qui sont sorties avant d’avoir publié. Qui se sont suicidées.
Atelier, 15.5.2023
*
Difficile de reprendre un texte interrompu depuis longtemps. J’aime les chantiers. J’aime les deadlines. J’aime l’édition. J’aime être relue. Je dis oui à toutes les corrections proposées.
*
*
Le soir, je suis moins critique par rapport à mes écrits. Même constat si je suis dans un lieu public « feutré », avec du bruit ou un éclairage tamisé ; par exemple, si je relis un texte sur lequel je travaille le matin, il se peut que je voie tous ses défauts, et que le soir, le texte me paraisse meilleur. Écrire est une expérience de relativisme. Mon rapport à mes œuvres ressemble un peu à mon rapport à mon corps, ça fluctue, varie en fonction des heures.
*
*
Houellebecq m’a raconté qu’il écrivait toujours le matin, dans un demi-sommeil. Comme s’il avait ainsi accès à un monde intérieur, subconscient, qui activait le flot d’écriture.
*
*
Je n’arrive pas à me projeter comme une vieille écrivaine. Pour moi, écrire est associé à la jeunesse. Bientôt, je cesserai d’écrire.
DREI: zeit
Sarah-Louise Pelletier-Morin
Aus dem Französischen von Jennifer Dummer
2023HDA103
An Tagen, an denen ich nicht schreibe, fühle ich mich mittelmäßig. Auch wenn ich 24 Stunden lang sehr beschäftigt bin, auch wenn diese Beschäftigungen anregend sind, habe ich das Gefühl, nicht mit mir selbst verbunden zu sein. Vielleicht, weil mir Schreiben zu vollkommener Einsamkeit verhilft.
*
Wenn ich den ganzen Tag nur schreibe (kein Sport, keine gesellschaftliche Aktivität, keinerlei Lektüre), fühle ich mich auch mittelmäßig.
*
Wenn ich an etwas schreibe, dessen Veröffentlichung nicht garantiert ist, dauert es eine Ewigkeit.
*
Dienstagnachmittag. Die Sonne scheint. Die ganze Woche hat es geregnet; ich sollte es ausnutzen und nicht schreiben.
*
All die Worte von Frauen, die auch dadurch sind. Die das Gebäude betreten haben. Die wieder raus sind, bevor sie etwas veröffentlicht haben. Die Selbstmord begangen haben.
*
Einen Text nach längerer Zeit wieder aufzunehmen fällt mir schwer. Ich mag Textbaustellen. Ich mag Deadlines. Ich mag die Buchbranche. Ich mag es, lektoriert zu werden. Ich akzeptiere alle Korrekturvorschläge.
*
Am Abend bin ich meinem Geschriebenen gegenüber weniger kritisch. So ist es auch, wenn ich an einem „gedämpften“ öffentlichen Ort bin, wo die Geräusche und das Licht reduziert sind; wenn ich zum Beispiel einen Text, an dem ich arbeite, morgens wiederlese, fallen mir all seine Makel auf, und abends erscheint er mir besser. Schreiben basiert auf Relativismus. Die Beziehung zu meinem Geschriebenen gleicht der zu meinem Körper: sie schwankt, wechselt je nach Stunde.
*
Ich kann mir nicht vorstellen, eine alte Schriftstellerin zu sein. Schreiben ist für mich mit Jugend verbunden. Ich werde bald aufhören zu schreiben.