Skip to content

La salle de bain est coquette. J’admire les motifs des carreaux quand je suis aux toilettes. J’ai remarqué une tuile posée à l’envers. Elle est située en bas, dans le coin inférieur au pied du bain. Elle change l’ordre des motifs. On est comme attirées par son insouciance. Je ne vois plus que cette tuile. Je me demande si les maçonnes l’ont fait exprès, il y a quoi, trente ans ? Elle détruit l’équilibre de toutes les autres, son ruban de fleurs roses est posé à l’inverse de la suite. Je suis obsédée.

Il faut monter une marche pour se rendre dans la douche. J’ai toujours la trouille de me laver seule dans une nouvelle salle de bain. Trop de scènes répétées de femmes tuées dans la céramique. Marion Crane morte dans la douche du Bates Motel. J’entends encore la musique. Wendy et Danny, réfugié·es dans la salle de bain dont la porte sera trouée à la hache par leur mari et père, et cette femme en décomposition dans le bain de la chambre 237 du même Overlook. Ou encore le gant de Freddy avec ses lames entre les cuisses de Nancy dans son bain moussant. Tout lie l’horreur, au corps nu d’une femme.

En même temps, c’est un des seuls endroits où je me sens véritablement confortable dans l’étude personnelle de mon corps. Je me mire dans les glaces, fais des façons à ma double, paresse dans la baignoire. C’est comme si ce petit lieu avait été volé de l’intimité permise, ses murs troués par le male-gaze. J’ai eu peur pendant des années que l’on m’observe par la fissure camouflée derrière le cadre.

La salle de bain a longtemps été le refuge des mères qui souhaitaient s’échapper de la domesticité. La mode des living et dining rooms à aires ouvertes, dans les années 50, qui rendaient les enfants visibles en tout temps par la ménagère, venait avec son pendant négatif, les mères étaient toujours observées elles aussi. Le besoin d’un espace fermé, qui permet également ce lieu mental, était déjà étudié par Virginia Woolf en 1929. Bien sûr, il faut un espace en dehors de la salle de bain pour les femmes, sinon on devient prédestinées aux chiottes.

 

Aller au lit 

La salle de bain est coquette. J’admire les motifs des carreaux quand je suis aux toilettes. J’ai remarqué une tuile posée à l’envers. Elle est située en bas, dans le coin inférieur au pied du bain. Elle change l’ordre des motifs. On est comme attirées par son insouciance. Je ne vois plus que cette tuile. Je me demande si les maçonnes l’ont fait exprès, il y a quoi, trente ans ? Elle détruit l’équilibre de toutes les autres, son ruban de fleurs roses est posé à l’inverse de la suite. Je suis obsédée.

Il faut monter une marche pour se rendre dans la douche. J’ai toujours la trouille de me laver seule dans une nouvelle salle de bain. Trop de scènes répétées de femmes tuées dans la céramique. Marion Crane morte dans la douche du Bates Motel. J’entends encore la musique. Wendy et Danny, réfugié·es dans la salle de bain dont la porte sera trouée à la hache par leur mari et père, et cette femme en décomposition dans le bain de la chambre 237 du même Overlook. Ou encore le gant de Freddy avec ses lames entre les cuisses de Nancy dans son bain moussant. Tout lie l’horreur, au corps nu d’une femme.

En même temps, c’est un des seuls endroits où je me sens véritablement confortable dans l’étude personnelle de mon corps. Je me mire dans les glaces, fais des façons à ma double, paresse dans la baignoire. C’est comme si ce petit lieu avait été volé de l’intimité permise, ses murs troués par le male-gaze. J’ai eu peur pendant des années que l’on m’observe par la fissure camouflée derrière le cadre.

La salle de bain a longtemps été le refuge des mères qui souhaitaient s’échapper de la domesticité. La mode des living et dining rooms à aires ouvertes, dans les années 50, qui rendaient les enfants visibles en tout temps par la ménagère, venait avec son pendant négatif, les mères étaient toujours observées elles aussi. Le besoin d’un espace fermé, qui permet également ce lieu mental, était déjà étudié par Virginia Woolf en 1929. Bien sûr, il faut un espace en dehors de la salle de bain pour les femmes, sinon on devient prédestinées aux chiottes.

 

Aller au lit