21 mai.
Gorge Bataille
2023HDA303
Phénomène rare : la lueur cendrée autour de la lune. les marées sont très fortes. J’ai passé une partie de la nuit éveillée, à regarder l’étoile polaire. Elle brillait comme jamais.
*
Fatal·e fait un rêve.
La peau des livres est moisie. La lumière brûle les yeux. Une bouche parle aux bords du bol de nuit sans contour. Elle dit :
paul preciado erre, inquiet, de par les allées quand tombent les feuilles. les osses de son amoure sont grises. l’eau est rouge. le soleil est intact et d’or. il appelle cela haine mais il a peut-être tort. il a peint un morceau de mâchoire fraîche, toute chaude. elle fond dans sa bouche. il a peint une montgolfière. elle ne voulait pas de nom civil reconnaissable qui la coincerait dans une identité figée. les lignes courbes de ses paumes adoucies supporteront la douleur.
Puis Fatal·e se retrouve dans une fête. Une autre chambre bleue. Iel porte un jocstrap noir, un anneau au sommet de son pubis pour caler son énorme bite. Ambiance after, les stores à moitié baissés pour étirer la nuit finie depuis longtemps. On fait semblant. Tout le monde est horny et se frotte à la peau de l’autre. C’est crade dans la pièce. Ça pue la clope et les vieilles tox qui macèrent ensemble depuis plusieurs heures. Puis on va regarder des perfs. À l’extérieur, il y a des mères avec leur filles – elles sont par paires, coiffées et habillées pareil – par exemple, tout en beige avec des cheveux courts et des fringues un peu molles ou tout en jean bleu foncé avec des cheveux lisses et longs. C’est chelou. C’est tout ce qui l’angoisse. Les clones. La reproduction de l’hétérosexualité. La duplication du pire. La féminité de maman intériorisée depuis le plus jeune âge. Être vieille avant de l’être. Même pas imaginer qui on pourrait être d’autre. Croire au modèle unique. Ne pas opérer de détachement.
Dans cet écosystème affaibli, et en pleine introspection au milieu du groupe, Fatal·e se rend compte qu’iel a toujours eu peur de prendre la parole parce qu’iel a toujours eu peur qu’on ne lae croie pas ou qu’on pense qu’iel exagère. Ça ellui donne l’impression de partir au front à chaque fois qu’iel ouvre la bouche. C’est épuisant et ça gangrène son estomac, ses intestins, son putain d’intérieur. C’est chiant.
Iel ne se fait pas d’illusion sur l’extérieur. Tout est à sa place, bien gardé au chaud du patriarcat qui ne bouge pas. Iel écrit un billet sur son blog.
CHTARBÉX ET ALORS ?
ON CONSTATE QUE LE SYSTÈME ACTUEL EST TELLEMENT GRIGNOTÉ QU’IL EST EN TRAIN DE S’ÉCROULER – NIQUE – MAIS ÇA VA PAS ASSEZ VITE. ALORS ON S’IMPATIENTE. Y’EN A QUI DONNE ENCORE LA PAROLE À HOUELLEBECQ – JUSTE D’ÉCRIRE SON NOM J’AI LA GERBE. AU SCOURS. J’VEUX VOIR LE SYSTÈME HÉTÉROPATRIARCAL BLANC SE FAIRE DÉMANTELER. J’AI ENVIE QU’IL DÉCALE LOIN DE MES YEUX TROP BEAUX POUR SA SALETÉ. EN +, ÇA LE REND IRRITABLE ET PATHÉTIQUE LOL… L’UTILISATION DE LA LANGUE NON-BINAIRE, ÇA LE FLINGUE. CES CONNARDS ÇA ME REND MANIAQUE – ÇA PART PAS, Y’EN A EVERYWHERE !! UNE FOIS QU’ON COMMENCE À FOCUS SUR LA CRASSE ET LA POUSSIÈRE, ON LA VOIT PARTOUT. SOUVENONS-NOUS QUE NOUS PARTICIPONS À LEUR CHUTE. PAS DE PITIÉ. IL FAUT AVOIR LA CONVICTION D’Y ÊTRE POUR QUELQUE CHOSE. C’EST LONG ET FASTIDIEUX, ALORS IL FAUT SE CONCENTRER SUR CE QUI BOUGE ET CE QUI S’EFFRITE. Y A UN SYSTÈME ENTIER À REPENSER, PRIS DANS LES FILETS DE DOMINATIONS MILLÉNAIRES, DANS UNE LANGUE PÉTRIE DE POUVOIR ET DE CLASSICISME, D’INTELLECTUALISME QUI ENDORT ET SOUMET, DE VIEILLE ÉCOLE ÉCOIRRESPONSABLE QUI DÉTRUIT TOUT SUR SON PASSAGE = LA FRAÎCHEUR DES ÉLU·ES ET L’ESTIME DE SOI. C’EST DINGUE CE QU’IL FAUT D’ENTHOUSIASME ET D’ESPOIR POUR ENRAYER LA MAUVAISE AMBIANCE PUTAIN, C’EST DINGUE LE TEMPS QU’IL A FALLU POUR SE SENTIR LÉGITIME À OUVRIR SA GUEULE ET CONSIDÉRER QUE CE QUE L’ON RESSENT A DE L’IMPORTANCE ET QUE LA JOIE PEUT FAIRE QUELQUE CHOSE. ON SE DOIT DE COMPLEXIFIER NOS RAPPORTS LES UN·ES AUX AUTRES ET COMPRENDRE DANS QUEL SYSTÈME NOUS SOMMES EMPÊTRÉ.ES – IL NE SUFFIT PAS D’ÊTRE DE GAUCHE, ANTIRACISTE ET CONSCIENT·ES DES INÉGALITÉS. IL FAUT COMPRENDRE LES ROUAGES, SE DÉCOLONISER, ÊTRE HUMBLES. LES LIENS QUI NOUS UNISSENT SONT PLUS FORTS QUE TOUT QUAND ILS SONT ANCRÉS DANS LE SENSIBLE, QUAND L’AUTRE EN FACE TE FAIT TE SENTIR BIEN ET NE REMET PAS EN CAUSE TON EXISTENCE, DONNE INTRINSÈQUEMENT DE LA VALEUR À TA PAROLE, CHERCHE LES OUTILS POUR VIVRE ICI. COMMENT ON CONSERVE SON SOURIRE ÉPUISÉ À TOUT REPENSER POUR L’AUTRE ET LES CORPS FATIGUÉS DE DISPARAÎTRE ? ON S’ASSOIT LES UN.ES AVEC LES AUTRES ET ON SE REGARDE DANS LES YEUX. ON SE DIT QU’ON EST RAVI.E QUE TOUT EXISTE ET ON SE DEMANDE CE QUI POURRAIT AIDER. ALORS À PLUSIEURS, ON PREND POSSESSION DE L’ESPACE PUBLIC DANS LA JOIE DE SE RECONNAÎTRE DU MÊME BORD CHANTER ENSEMBLE LES SIRÈNES LE CHANT DES CHTARBÉX ET DES PRÉCAIRES, DES CORPS JEUNES ET VIEUX ET ÉVEILLÉS ET HUMBLES DE CE QU’ON PEUT CHANGER PETIT À PETIT REPOUSSER LES LIMITES DU SUPPORTABLE.
#NIQUELESTOUS#GARDONSLESYEUXOUVERTS#LEPATRIARCATCHANGETOUSLESJOURSDEVISAGE
GIRLYCHEESY93 = FRANCHEMENT MON UNIVERS EST TELLEMENT LOIN DU VOTRE QUE JE ME RÉGALE.
DYKTISSIMO = JE M’ASSOIS FACE AU VIDE ET J’APERÇOIS LE DÉBUT DE MON CORPS. MERCI POUR TES MOTS QUI RÉSONNENT DANS MON GARAGE OUVERT.
BITCHORDEAD = GRAVE DEAD VIEUX MEN BLANC CR7VE
PICASSIETTE = MOI AUSSI COMPLÈTMEN CHTARBÉX
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Vers midi, on commence à flirter toustes ensemble. Fatal·e est un peu las de jouer toujours au même jeu. Les autres sont complètement défoncé·es. Iel se laisse aller. Tranquillement, sa bouche glisse contre une nuque salée. Kétamine au bout du couloir. On n’arrête pas la drogue quand on n’a pas de problème avec. On arrête de vouloir arrêter parce qu’on désire l’immuable de sa perte. Sans limite on s’observe défaillir. On n’est plus rien. Surtout pas humbles. On est graves et tordu·es.
« La défonce comme quête du coma. » → on cherche à faire une pause, calmer les boucles et les naufrages. On veut tout arrêter, au moins pour un temps, faire que tout s’arrête. Le cœur la tête l’angoisse la peur la vie. Basculer de l’autre côté de soi, là où on n’est pas. Fatal·e a commencé la défonce pour s’extraire de sa condition, aller là où iel n’était pas autorisé·e à cause de sa sexe. Puis à l’âge adulte, iel s’est défoncé·e pour trouver un refuge à la perte de sens. Apaiser son esprit torturé. Décompenser.