Neïtah Janzing
2021A014
Cinéma de l’Hôtel / Rétrospective d’Andreï Tarkovski
Nous nous rencontrons dans l’embrasure de la porte
entre les stalactites et la mousse noire.
Échangeons des premiers mots humides
sous trame d’Eduard Artemyev.
Mentionnons la Zone dans les escaliers
en jetant une pierre pour diriger nos pas.
Marchons dans la canalisation de l’hôtel
sous l’égouttement continu de l’eau verdâtre.
Parlons des dunes dans l’ascenseur
en dépoussiérant nos manteaux à la sortie.
Il me dit
J’aimerais me retrouver dans la Zone
me perdre entre les branches
et les carcasses de métal
entre les souvenirs de notre monde
et la force mystique du lieu.
Nous nous quittons devant une pancarte oxydée
à un croisement du dernier étage.
***
Je prends le premier train vers l’ailleurs
et m’échoue sur une plaine désertique,
une toundra de ferrailles et de buissons
de troncs brûlés et de marécages.
Je m’enfonce dans les eaux usées,
marche difficilement d’un point à l’autre
me couche d’épuisement sur un monticule,
membres frigorifiés sur herbes sauvages.
Murmures d’un lointain désert
trémoussement sans fin des ramures
volées de nuages changeant sans cesse l’horizon
le temps assèche mes esprits.
Chaque son que je produis
se perd dans un silence de fer.
De soudaines cascades
se découvrent à mes pieds.
J’erre selon la trajectoire d’une pierre
sur la ligne d’un paysage capricieux.
Je me perds dans un bâtiment délabré
où l’écho de mes pas se percute aux murs
et s’absorbe dans des mares nauséabondes.
D’armatures de métal suinte une rouille
formant des flaques de liquide rougeâtre
qui se répandent dans les fissures de l’escalier.
Je m’arrête au dernier étage
dans l’arc détérioré d’une fenêtre
et, scrutant les restes de paysage,
me dis
Voilà
je suis chez moi
quel silence…
l’endroit le plus silencieux du monde
le plus beau
parce qu’il n’y a pas âme qui y vive
…
peut-être même pas la mienne.
Et de mes yeux
coule muettement
une chute de larmes salées.
***
Le téléphone émet un son continu
le lit est trop moelleux
l’horloge tique les secondes
mes yeux sont fixés
sur les lignes modernes du plafond.
Je cherche les steppes dans le blanc de céruse,
rêve d’une nuit sous un nid d’étoiles
le corps dans les eaux empétrolées,
un faible vent me chuchotant
des poèmes d’ Arseni Tarkovski
Вот и лето прошло,
Словно и не бывало.
На пригреве тепло.
Только этого мало.
Все, что сбыться могло,
Мне, как лист пятипалый,
Прямо в руки легло,
Только этого мало.
Понапрасну ни зло,
Ни добро не пропало,
Все горело светло,
Только этого мало.
Жизнь брала под крыло,
Берегла и спасала,
Мне и вправду везло.
Только этого мало.
Листьев не обожгло,
Веток не обломало…
День промыт как стекло,
Только этого мало.
Je me lève
et compose une lettre.
Que je glisse sous la porte de la chambre
de l’homme rencontré la veille
dans le silence entrecoupé
du balancement d’un pendule.
***
Brume sur champ de ruines
à mes pieds, la rosée
baignée des premiers rayons du soleil.
Je vois sa silhouette se définir,
s’avancer flegmatiquement,
transpercer les nuages de sol.
Ses yeux sont mouillés,
des larmes tranchantes et silencieuses.
Je passe ma main sur sa joue,
efface toute trace d’émotion.
Et nous partons nord
où toujours les chemins nous mènent.
***
Voici l’été qui finit,
Comme s’il n’avait jamais été.
Le soleil s’affaiblit,
Pourtant ce n’est pas assez.
Tout ce qui s’accomplit,
Léger comme une feuille rosée,
Sur mes mains s’établit.
Pourtant ce n’est pas assez.
En vain ne s’évanouit,
Ni le mal ni la bonté,
Tout brûla et luisit.
Pourtant ce n’est pas assez.
La vie dans son abri,
Prenait, protégeait, sauvait.
La chance m’a souri,
Pourtant ce n’est pas assez.
Les feuilles n’ont pas roussi,
Les branches ne se sont pas cassées…
Clair comme du cristal, le jour reluit,
Pourtant ce n’est pas assez.