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SIX : corps
Sarah-Louise Pelletier-Morin
2023HDA106

 

 

 

Sport, café, écriture, déjeuner, sport, dîner, écriture, apéro, écriture, souper, film, lecture, sommeil. Au fond, tout se configure autour de l’écriture.

 

*

 

Prendre des drogues de temps en temps pour se désorganiser. Se désorganiser pour écrire. Le corps rencontre d’autres dispositions; il rencontre ainsi d’autres mots, d’autres images.

 

*

 

Un jour, après avoir parlé de mon ambivalence constante entre « l’art et la vie », elle m’a demandé pourquoi j’opposais les deux.

 

*

 

Cannabis : ne fonctionne pas (endort trop, me dépossède d’une parole articulée). L’alcool : oui, mais pas trop, les deux premiers verres stimulent, le reste endort. Champignons : oui, le lendemain surtout. LSD : oui, le jour même et le lendemain. MDMA : écriture cinématographique. Proscaline : très efficace, augmente la libido et l’état d’éveil.

 

*

 

 

*

 

Les jambes grouillent. Je suis restée assise seule toute la journée à écrire. Je n’ai pas adressé une parole à quelqu’un. Le sang ne circule plus. Les idées sont engluées comme dans un pain. On veut avancer un projet, il le faut, mais il n’y a plus rien qui sort.

*

 

Allez savoir pourquoi, j’aime avoir les cuisses recouvertes, soit d’un vêtement lourd ou d’une couverture – été comme hiver.

 

*

 

J’ai toujours mal dans le dos. Je chiale. J’écris toujours avec le pied gauche remonté sur la chaise et celui droit croisé. La colonne vertébrale courbée. On me dit constamment que je suis voûtée. Je suis laide quand je suis concentrée. Je suis laide quand j’écris.

 

*

 

 

*

 

Il est plus facile d’écrire le ventre vide. Quand on se sent un peu creux.

 

*

 

Quand j’ai très envie de baiser, j’ai très envie d’écrire. Le contraire est vrai aussi. Ça passe par le même canal. Libido sciendi, libido sentiendi.

 

*

 

Quand j’ai un désir fort d’écriture, je peux écrire n’importe où, dans n’importe quelle disposition. Ivre, fatiguée, dans un lieu sombre, dans un demi-sous-sol. Il y a comme une molécule dans mon cerveau qui me rend hyper concentrée.

 

*

 

 

*

 

J’ai acheté un bureau ajustable qui me permet d’écrire debout ou assise. Je n’ai jamais écrit debout.

 

*

 

J’ai commandé un collier électronique, un gadget horrible et cher dont m’avait parlé un type dans un café. Le collier sonne pour indiquer lorsqu’on doit se redresser. Ça doit faire au moins deux ans que je l’ai reçu par la poste – l’engin est encore dans sa boîte.

 

*

 

Je fais du sport entre les sessions d’écriture. Je fais du sport pour me dégourdir de l’écriture qui ankylose. Je fais du sport pour écrire. Lorsqu’on ajoute du temps pour les relations, il faut être très organisé ou très routinier.

 

*

 

Work play and love. Ou écrire bouger aimer – ces trois activités quotidiennes sont suffisantes pour me donner un semblant de joie, un semblant d’équilibre.

SIX : corps
Sarah-Louise Pelletier-Morin
2023HDA106

 

 

 

Sport, café, écriture, déjeuner, sport, dîner, écriture, apéro, écriture, souper, film, lecture, sommeil. Au fond, tout se configure autour de l’écriture.

 

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Prendre des drogues de temps en temps pour se désorganiser. Se désorganiser pour écrire. Le corps rencontre d’autres dispositions; il rencontre ainsi d’autres mots, d’autres images.

 

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Un jour, après avoir parlé de mon ambivalence constante entre « l’art et la vie », elle m’a demandé pourquoi j’opposais les deux.

 

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Cannabis : ne fonctionne pas (endort trop, me dépossède d’une parole articulée). L’alcool : oui, mais pas trop, les deux premiers verres stimulent, le reste endort. Champignons : oui, le lendemain surtout. LSD : oui, le jour même et le lendemain. MDMA : écriture cinématographique. Proscaline : très efficace, augmente la libido et l’état d’éveil.

 

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Les jambes grouillent. Je suis restée assise seule toute la journée à écrire. Je n’ai pas adressé une parole à quelqu’un. Le sang ne circule plus. Les idées sont engluées comme dans un pain. On veut avancer un projet, il le faut, mais il n’y a plus rien qui sort.

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Allez savoir pourquoi, j’aime avoir les cuisses recouvertes, soit d’un vêtement lourd ou d’une couverture – été comme hiver.

 

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J’ai toujours mal dans le dos. Je chiale. J’écris toujours avec le pied gauche remonté sur la chaise et celui droit croisé. La colonne vertébrale courbée. On me dit constamment que je suis voûtée. Je suis laide quand je suis concentrée. Je suis laide quand j’écris.

 

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Il est plus facile d’écrire le ventre vide. Quand on se sent un peu creux.

 

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Quand j’ai très envie de baiser, j’ai très envie d’écrire. Le contraire est vrai aussi. Ça passe par le même canal. Libido sciendi, libido sentiendi.

 

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Quand j’ai un désir fort d’écriture, je peux écrire n’importe où, dans n’importe quelle disposition. Ivre, fatiguée, dans un lieu sombre, dans un demi-sous-sol. Il y a comme une molécule dans mon cerveau qui me rend hyper concentrée.

 

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J’ai acheté un bureau ajustable qui me permet d’écrire debout ou assise. Je n’ai jamais écrit debout.

 

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J’ai commandé un collier électronique, un gadget horrible et cher dont m’avait parlé un type dans un café. Le collier sonne pour indiquer lorsqu’on doit se redresser. Ça doit faire au moins deux ans que je l’ai reçu par la poste – l’engin est encore dans sa boîte.

 

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Je fais du sport entre les sessions d’écriture. Je fais du sport pour me dégourdir de l’écriture qui ankylose. Je fais du sport pour écrire. Lorsqu’on ajoute du temps pour les relations, il faut être très organisé ou très routinier.

 

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Work play and love. Ou écrire bouger aimer – ces trois activités quotidiennes sont suffisantes pour me donner un semblant de joie, un semblant d’équilibre.