Autrice: Laure Zehnacker
Il y a le sourire gras, le sourire souillé, le sourire précieux, le sourire poli. Mais le plus compliqué à réaliser, c’est le sourire instantané, celui qui sort d’un coup des tripes.
Les Lina ont la trentaine et sont mères de deux à trois enfants, bonne situation financière avec des conjoints qui travaillent beaucoup. Frustrées, mais toujours propres, elles ont arrêté de sourire il y a longtemps.
J’ouvre ma valise, et oui, j’ai toujours une perceuse sur moi. Je ne compte plus le nombre de trous faits dans des murs pour observer les voisins dans ce qu’ils ont de plus intime. Ce n’est pas du vice. Enfin, je suppose...
Je ne m’en fous pas de vos tristesses, de vos peurs, de vos manques, de vos bonheurs. Je dirais même… qu’ils m’attirent. Je ne suis simplement pas concernée, ni de près ni de loin.
Ma chambre brillait de propreté, comme si elle avait voulu me faire disparaître. Chaque chambre a une odeur, des traces de vie sur le rebord du lavabo. Je me vois m’estomper à nouveau pour me rétablir encore dans la crasse de mon être, en laissant des poils et des cheveux sur le carrelage ou dans les draps, peu importe, là où il y a de la vie, il y a de la saleté.
Berlin s’apaise avec ce tapis soudain, épais. Il n’y a plus de bruit, du moins je ne l’entends pas. Je suis juste là, incapable de bouger, plantée au milieu de la rue, hagarde. J’essaie de retenir ce rêve de la nuit, de retenir son visage. Maintenir le sentiment vaporeux de l’amour.
L’isolement, je connais. Combien de fois ais-je été enfermée dans l’obscurité des chiottes à attendre que la tension redescende en pleurant en silence.
Mon chemin se poursuit. Ma valise est ma seule bouée de sauvetage