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UN : capital
Sarah-Louise Pelletier-Morin
2023HDA101

 

 

 

Lors de son séjour à l’Hôtel, Aurélie William Levaux cite Virginia Woolf : pour écrire, il faut deux choses, une chambre à soi et de l’argent.

 

*
 

La première fois que j’ai publié un texte dans une revue, qui correspond aussi à la première fois où j’ai été payée pour écrire, j’ai attendu quelques mois avant de déposer mon chèque de 48 $. Le chèque a rebondi : la revue avait fait faillite.

 

*

 

Le mois prochain, ma bourse doctorale prendra fin. C’est elle qui me permettait de vivre. L’argent de cette résidence ne suffira plus.

 

Atelier, 2.6.2023

 

*

 

Écrire, c’est être toujours en prospective : quand pourrais-je écrire ? Comment pourrais-je gagner de l’argent le mois prochain, l’an prochain ?

 

*

 

 

 

*

 

Comment conjuguer écriture et subsistance. Il me faut une entrée d’argent, mais cet emploi doit me laisser du temps pour écrire. Ce problème m’habite depuis une dizaine d’années.

 

*

 

Aux trois mois, environ, je fais le point sur mon avenir. Ça se traduit par une liste d’idées pour gagner de l’argent :

 

?
-
+
Enseigner au cégepChronophage (pas possible d’enseigner ET de s’engager dans l’écriture), difficile d’être engagée, pas de stabilité d’emploi, pas si payant si ce n’est pas à temps plein.
Un métier plus manuelL’apprentissage de ce métier sera long et coûteux.
M’ouvrir un Onlyfans
Possiblement payant et pas trop chronophage.
Démarrer un baladoBesoin d’argent pour acheter de l’équipement. Apprendre les bases. Je doute de pouvoir gagner ma vie avec ça.
Demander une bourse au Conseil des Arts.
Aller déposer mon cv à la pâtisserie du coin
Amusant.
Fonder une familleAbandonner l’écriture.Sans doute, serait judicieux.

 

 

Ces angoisses interrompent l’écriture.

 

*

 

Écrire en voleuse

Quand je travaille sur des projets qui ne me rémunèrent pas, j’ai l’impression de perdre mon temps, de voler du temps. J’écris de biais, sur le côté, sans vraiment m’engager dans l’écriture.

Écrire juste comme ça.

 

*

 

 

 

*

 

Direction d’un ouvrage littéraire (environ deux ans de travail) : 56,04 $

 

*

 

TOUT EST TROP CHER ET TOUT AUGMENTE. LES CHAMPIGNONS DE PARIS DANS LES BARQUETTES BLEUES SONT PASSÉS À 1,29€. IEL AIMAIT BIEN TROUVER DE LA NOURRITURE À 0,99 €, ÇA RASSURAIT SON CERVEAU PRÉCAIRE TOUS CES TRUCS DANS SON PANIER À MOINS DE 1 EUROS. (GB)

 

*

 

À quel moment se définit-on comme écrivain ? Après combien de livres ? Combien de bourses ? Le malaise compatissant lorsqu’on répond « écrivaine » à la question « que fais-tu dans la vie » – on ne peut pas être simplement écrivaine, on s’attend à ce qu’une deuxième occupation suive : écrivaine&chercheuse, écrivaine&enseignante, écrivaine&éditrice, écrivaine&serveuse…

 

*

 

J’ai inscrit mon livre au prêt en bibliothèque ; à chaque emprunt, je pourrai recevoir 20% (soit la part de la directrice d’un ouvrage collectif) du montant total qui doit être versé à chaque emprunt à un·e auteurice. J’ai rempli un long formulaire. Des mois plus tard, je n’ai aucune nouvelle du succès ou non de cette procédure.

 

*

 

Mon éditrice me dit qu’elle va me faire un virement pour mon « avaloir ». C’est un mot qui, comme tous ceux qu’on ne connaît pas, ou qu’on n’a jamais lus, ne sont qu’un amas de sons plus ou moins poétiques. Quelques mois plus tard, dans une demande de bourse au Conseil des Arts et Lettres du Québec (CALQ), j’écrirai bêtement « avaloir » dans la section « autre revenu » pour un manuscrit. 

J’apprendrai, plus tard, que ce mot s’orthographie à-valoir

 

*

 

À-valoir pour un recueil de poésie : 1000 $, un excellent cachet, selon une amie écrivaine (aucun de ces revenus d’écriture ne permettent pourtant de vivre décemment.)

 

*

 

Le sociologue Bernard Lahire parle de la « double vie » des écrivains, qui ont deux métiers, un « vrai » et un « faux ». À vous de distinguer le vrai du faux. 

UN : capital
Sarah-Louise Pelletier-Morin
2023HDA101

 

 

 

Lors de son séjour à l’Hôtel, Aurélie William Levaux cite Virginia Woolf : pour écrire, il faut deux choses, une chambre à soi et de l’argent.

 

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La première fois que j’ai publié un texte dans une revue, qui correspond aussi à la première fois où j’ai été payée pour écrire, j’ai attendu quelques mois avant de déposer mon chèque de 48 $. Le chèque a rebondi : la revue avait fait faillite.

 

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Le mois prochain, ma bourse doctorale prendra fin. C’est elle qui me permettait de vivre. L’argent de cette résidence ne suffira plus.

 

 

Atelier 2.6.2023

 

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Écrire, c’est être toujours en prospective : quand pourrais-je écrire ? Comment pourrais-je gagner de l’argent le mois prochain, l’an prochain ?

 

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Comment conjuguer écriture et subsistance. Il me faut une entrée d’argent, mais cet emploi doit me laisser du temps pour écrire. Ce problème m’habite depuis une dizaine d’années.

 

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Aux trois mois, environ, je fais le point sur mon avenir. Ça se traduit par une liste d’idées pour gagner de l’argent :

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Enseigner au cégepChronophage (pas possible d’enseigner ET de s’engager dans l’écriture), difficile d’être engagée, pas de stabilité d’emploi, pas si payant si ce n’est pas à temps plein.
Un métier plus manuelL’apprentissage de ce métier sera long et coûteux.
M’ouvrir un Onlyfans
Possiblement payant et pas trop chronophage.
Démarrer un baladoBesoin d’argent pour acheter de l’équipement. Apprendre les bases. Je doute de pouvoir gagner ma vie avec ça.
Demander une bourse au Conseil des Arts.
Aller déposer mon cv à la pâtisserie du coin
Amusant.
Fonder une familleAbandonner l’écriture.Sans doute, serait judicieux.

 

Ces angoisses interrompent l’écriture.

 

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Écrire en voleuse

Quand je travaille sur des projets qui ne me rémunèrent pas, j’ai l’impression de perdre mon temps, de voler du temps. J’écris de biais, sur le côté, sans vraiment m’engager dans l’écriture.

Écrire juste comme ça.

 

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Direction d’un ouvrage littéraire (environ deux ans de travail) : 56,04 $

 

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TOUT EST TROP CHER ET TOUT AUGMENTE. LES CHAMPIGNONS DE PARIS DANS LES BARQUETTES BLEUES SONT PASSÉS À 1,29€. IEL AIMAIT BIEN TROUVER DE LA NOURRITURE À 0,99 €, ÇA RASSURAIT SON CERVEAU PRÉCAIRE TOUS CES TRUCS DANS SON PANIER À MOINS DE 1 EUROS. (GB)

 

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À quel moment se définit-on comme écrivain ? Après combien de livres ? Combien de bourses ? Le malaise compatissant lorsqu’on répond « écrivaine » à la question « que fais-tu dans la vie » – on ne peut pas être simplement écrivaine, on s’attend à ce qu’une deuxième occupation suive : écrivaine&chercheuse, écrivaine&enseignante, écrivaine&éditrice, écrivaine&serveuse…

 

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J’ai inscrit mon livre au prêt en bibliothèque ; à chaque emprunt, je pourrai recevoir 20% (soit la part de la directrice d’un ouvrage collectif) du montant total qui doit être versé à chaque emprunt à un·e auteurice. J’ai rempli un long formulaire. Des mois plus tard, je n’ai aucune nouvelle du succès ou non de cette procédure.

 

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Mon éditrice me dit qu’elle va me faire un virement pour mon « avaloir ». C’est un mot qui, comme tous ceux qu’on ne connaît pas, ou qu’on n’a jamais lus, ne sont qu’un amas de sons plus ou moins poétiques. Quelques mois plus tard, dans une demande de bourse au Conseil des Arts et Lettres du Québec (CALQ), j’écrirai bêtement « avaloir » dans la section « autre revenu » pour un manuscrit. 

J’apprendrai, plus tard, que ce mot s’orthographie à-valoir

 

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À-valoir pour un recueil de poésie : 1000 $, un excellent cachet, selon une amie écrivaine (aucun de ces revenus d’écriture ne permettent pourtant de vivre décemment.)

 

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Le sociologue Bernard Lahire parle de la « double vie » des écrivains, qui ont deux métiers, un « vrai » et un « faux ». À vous de distinguer le vrai du faux.